Récit de mon tour du monde à vélo : Chapitre 7 – Prendre de la hauteur dans les Andes

voyage à vélo - altiplano

Le contexte de ce tour du monde à vélo

Suite à mon tour du monde à vélo de 2 ans réalisé entre mars 2005 et mars 2007, nous avions écrit (ma compagne et moi) un texte dans le but de le publier… Mais pour plusieurs raisons, il n’a jamais vu le jour ! Il est donc temps de le partager ;).

Même si le voyage date un peu et que certains pays et informations technique ont « un peu » évolué depuis, toutes les émotions que nous avons ressenties seraient les mêmes aujourd’hui.

Nous avons également réalisé un film de 45 minutes « La roue libre » que nous avons présenté dans différents festivals de voyage à vélo et que nous vendions à l’époque en DVD. Les images datent un peu mais vous pouvez maintenant le télécharger gratuitement.

Pour télécharger le film, il suffit de cliquer ici (ou sur l’image ci-dessous)

Film tour du monde à vélo
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Le récit de ce tour du monde à vélo

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Chapitre 7 : Prendre de la hauteur dans les Andes

Juin 2006

Au programme du premier jour : mille huit cents mètres de dénivelé, pour nous mettre en appétit. Nous grimpons lentement. Plus on monte plus la respiration est difficile, accompagnée parfois d’un léger mal de tête. L’altitude est grisante, et même sous un orage de grêle, nous pédalons dans la bonne humeur.

Brieg : « Quarante-cinq kilomètres de pure montée hier, et autant à grimper demain. Aujourd’hui, nous faisons une toute petite étape pour nous reposer et nous acclimater à l’altitude. Nous montons à notre rythme, qui tombe à cinq kilomètres-heure en fin de journée, sans compter une crevaison »

voyage à vélo - crevaison

En haut s’étend la pampa De grandes étendues plates, sur lesquelles poussent de hautes herbes sèches dont se régalent les vigognes. Plus petites que les lamas et surtout plus gracieuses, elles sont élevées collectivement, pour leur laine, qui est destinée aux pays riches. Un paysan nous indique qu’ici, elle se négocie jusqu’à cinq cents dollars le kilo !

Après 3 jours de montée, juste avant le col à quatre mille deux cents mètres, nous nous arrêtons dans un petit hameau. Une case en paille nous sert d’abri pour la nuit. Il y a encore quelques mois, elle servait d’école, pour quatre élèves, et maintenant les femmes y entreposent la laine de mouton dont elles feront des pulls.

Dans l’unique restaurant, une jeune fille nous demande de l’aide pour un exercice d’anglais. Nous faisons ainsi sa connaissance. Curieuse, elle va chercher un petit globe terrestre pour que Brieg lui montre où se trouve la France, et le chemin que nous avons parcouru depuis.

Nous restons dans le restaurant toute la soirée car il y fait bon, nous discutons tout en buvant des tisanes qui nous réchauffent. A l’eucalyptus ou à la camomille, au choix, selon le mal dont on veut se débarrasser. Suivant les conseils avisés de nos hôtes, nous optons pour l’eucalyptus, contre le mal de tête dû à l’altitude.

Le lendemain nous passons le col et découvrons derrière de nouveaux paysages. Les vallées cultivées sont d’un vert tendre de toute beauté. Plus fertiles, cette région est donc plus peuplée. Vêtues de couleurs vives sur lesquelles dansent leurs longues tresses noires, les indiennes surveillent leur troupeau de moutons ou de lamas.

Malheureusement, elles sont souvent aidées de chiens qui s’excitent dès que l’on passe à proximité d’une bête. Chaque jour nous devons poser le pied à terre, crier pour s’imposer face à eux, ou leur lancer des pierres. Un jour, nous nous arrêtons dans une station essence (pour faire le plein du réchaud, pas des vélos !).

Quand Brieg s’avance à la recherche du pompiste, il trouve en échange deux chiens de garde bien décidés à jouer leur rôle. Brieg prend ses jambes à son cou en hurlant. Un des chiens a tout de même le temps de lui frôler le mollet avant qu’il ne sorte de la cour.

Brieg : « Je crois que je commence à détester les chiens. Qu’ils soient grands, petits, noirs, blancs, agressifs ou gentils, le regard bête ou vif. J’ai un caillou sur ma sacoche de guidon, prêt à être balancé si un chien me court dessus férocement. »

Dans une énième montée, nous posons la tente derrière un petit restaurant qui est la seule habitation à des dizaines de kilomètres. La carcasse d’un petit alpaga sèche au soleil, plus loin a lieu le découpage d’un mouton. Les vieilles nettoient les boyaux pendant qu’une fillette, du haut de ses trois ans, récupère le sang rubis dans un grand saladier.

voyage à vélo - rencontre - andes

Le vent souffle en tempête toute la nuit, ce qui fait chuter la température. Heureusement la famille nous a prêté des peaux de moutons et de grosses couvertures en laine. Ainsi, nous n’avons pas froid malgré la glace qui s’est formée sur la tente !

Plusieurs nuits glaciales plus tard, après avoir quitté Cusco et son incontournable Machu Picchu, il ne nous reste qu’un col à franchir pour trouver l’altiplano. En chemin nous attendent autant de bonnes aventures que de mauvaises.

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Nous trouvons d’abord l’hospitalité dans une paroisse où un Père français nous accueille. Une dizaine d’enfants, qui vient là régulièrement assister au catéchisme, nous accompagne partout. L’une des filles, qui doit avoir quatorze ans, tient Elise par le bras en permanence. Ils s’esclaffent à chaque fois que nous prononçons un mot de travers.

Le groupe nous emmène faire le tour du village, nous montre un pont dit inca, et une petite chapelle. A cette occasion, les plus grands nous expliquent que la plupart d’entre eux feront leur communion la semaine prochaine. Ils ajoutent que tous les enfants du village « croient en Jésus » et sont baptisés. Pedro-Bernardo, un bébé qu’Elise a pris dans ses bras, en profite pour lui pisser dessus. La voici donc baptisée elle aussi !

L’église du village est une pure merveille. Datant de l’époque coloniale, elle est fermée à double tour. Un villageois nous ouvre la porte à l’aide d’une clé d’une trentaine de centimètres. Il fait partie des quelques hommes qui se relaient pour dormir à l’intérieur de l’église afin de la surveiller.

En y pénétrant, nous comprenons mieux pourquoi. Cet édifice est une mine d’or et d’argent. Devant l’autel doré, une grande plaque sculptée est posée. Elle doit mesurer plus de deux mètres de long, et est en argent massif !

La chaire en bois est plus grande que celle de Cusco. Des tableaux sont suspendus aux murs couverts de fresques. Sous ces peintures murales, on devine d’autres fresques antérieures, et à certains endroits, des vestiges de murs incas. Nous sommes ébahis.

De retour au presbytère, le père nous explique que le président actuel du Pérou est sur le point de signer un accord commercial avec les États-Unis. Ce traité de libre-échange menace d’anéantir l’agriculture et l’industrie péruviennes, déjà bien fragiles.

panneau lama - besoin d'aventure

Voila pourquoi les villages sont en ébullition. Leur population manifeste en entreposant sur la route tout ce qui lui tombe sous la main : pierres, poteaux électriques, carcasses de camion, verre… Le lendemain une longue série de ces barrages hétéroclites nous attend.

La circulation est paralysée mais nous pouvons passer, en suivant la trace des paysans ou des écoliers se déplaçant également à vélo. Pourtant au bout de quelques heures nous arrivons devant un barrage plus agressif avec ses barbelés et ses branches de cactus.

L’un des meneurs est bien remonté et annonce que nous sommes des États-Unis. Nous nous empressons de proclamer que nous sommes français, mais il nous faut montrer nos passeports pour prouver notre bonne foi avant que la situation ne s’envenime.

En fin de journée, à l’entrée de la ville de Sicuani, le barrage prend des dimensions impressionnantes. Cette fois il y a peu d’obstacles matériels sur la chaussée, mais une foule qui nous fusille du regard. Nous passons sur le côté pour poursuivre notre route, mais à peine avons nous le dos tourné que les pierres fusent.

Elise tente d’expliquer que nous épousons leur cause, que nous ne sommes pas des gringos (Américains), mais rien n’y fait et le jour suivant nous devons faire face au même scénario. Nous avançons rapidement sous les jets de pierres. Au bout d’un moment nous ne tentons plus de nous expliquer et passons le plus rapidement possible en baissant la tête.

Toutes ces animosités passées, nous découvrons l’altiplano : plat, sauvage, grandiose. Les couleurs sont pures, les lignes s’étendent à l’infini sous un ciel bleu intense. Nous passons la soirée chez un paysan qui vit avec ses parents dans une maison de terre.

voyage à vélo dans les andes

C’est l’occasion de goûter à la fameuse coca. La vieille mère a le visage ridé comme du papier crépon. Elle ne parle que quechua et passe la soirée au coin du feu, qu’elle alimente de bouses de vaches séchées.

Le lendemain matin nous constatons effectivement que c’est une des premières tâches de la journée : faire le tour de la cour pour ramasser les bouses fumantes, et les disposer sur le mur d’enceinte pour qu’elles sèchent au soleil.

Les nuits sont de plus en plus fraîches, notre eau gèle, et au matin la tente est cassante de glace. Puis nous découvrons enfin le lac Titicaca, que nous longeons jusqu’en Bolivie. L’arrivée a vélo sur La Paz, nichée au fond d’une énorme cuvette et surmontée de pics enneigés de plus de six mille mètres, est une image inoubliable.

Elise, se sentant toujours fatiguée, fait une prise de sang qui révèle une anémie, qui n’est qu’une conséquence normale des soucis de santé traînés depuis Nazca. La combinaison anémie, altitude, et effort physique ne favorisant guère le rétablissement, le docteur préconise le repos.

Nous décidons alors de rester à La Paz le temps qu’il faudra. Ce repos forcé nous laisse du temps devant nous, et nous décidons d’en profiter pour proposer notre aide à une association comme bénévoles.

Alain Genin, un prêtre belge sans soutane et sans discours religieux, mais très engagé dans la lutte contre la pauvreté, nous accepte avec enthousiasme.

Nous passons deux semaines à la « Casa de la amistad ». Tous les jours, nous prenons le bus pour El Alto, la banlieue de La Paz située sur le plateau. Dans le quartier d’Urkupina, l’association a fait construire une maison où enfants et mamans de ce quartier défavorisé se retrouvent autour d’activités : menuiserie, informatique, soutien scolaire, musique…

Nous aidons Charro et Vladi, les deux animateurs. Le contact avec les enfants s’ établit tout de suite, autour de livres dont nous leur faisons tant bien que mal la lecture. Les petites filles se chamaillent presque pour être au près de Brieg.

Les enfants sont volontaires. La plupart va à l’école et passe le reste du temps à l’association. D’autres passent aussi beaucoup de temps dans la rue. Parfois, ils sentent franchement mauvais. Il n’en restent pas moins des enfants, et nous dépassons les différences pour jouer avec eux, les aider aux devoirs, les prendre sur nos genoux…

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Leur sourire découvre la plupart du temps des dents de lait complètement pourries, mais c’est un sourire qu’ils nous offrent, sans se soucier eux non plus que notre peau n’ait pas la même couleur.

Au bout de quelques jours, nous leur présentons notre voyage, et réalisons une carte du monde géante. Les enfants l’illustrent de dessins représentatifs de chaque pays.

La santé étant meilleure (nous espérons cette fois pour de bon), nous quittons enfin La Paz direction Oruro. A l’approche de la ville, nous pédalons plus vite afin d’arriver à temps pour voir le match de la coupe du monde France – Brésil.

L’ambiance est tendue car nous sommes en Amérique du Sud et quand la France marque nous sommes les seuls à crier victoire, au milieu d’une centaine de Boliviens dépités !

La route que nous empruntons pour nous rendre au nord du salar d’Uyuni est une piste caillouteuse, longue et peu fréquentée. Secoués comme des pruniers sur la terre en tôle ondulée, nous arrivons dans un petit village.

Sur la place centrale, à notre plus grande surprise, nous apercevons deux vélos chargés, au-dessus desquels flotte un petit drapeau français. Nous nous précipitons vers eux, bien contents de rencontrer d’autres cyclos-voyageurs dans ce coin improbable de Bolivie, atteint après trois jours de piste !

Nous faisons la connaissance de Laurence et Lionel, qui voyagent à la rencontre des acteurs locaux du commerce équitable. Ils se dirigent eux aussi vers le salar d’Uyuni, et comme le courant passe aussitôt, nous décidons de prendre la route ensemble dès le lendemain.

Tous les quatre, nous traversons le salar, désert de sel dont le blanc immaculé s’étend à perte de vue. Ce lac asséché est aussi grand qu’un département français ! Le temps et l’espace perdent toute mesure.

Au loin, les montagnes apparaissent comme des mirages flottant dans le ciel. Pour nous diriger vers une « île » où nous souhaitons passer notre première nuit, le compteur et la boussole sont des instruments de navigation indispensables.

En bon marin, Brieg assure la navigation :
« -Cap au 190° ! »

Pour la première fois, nous pouvons rouler les yeux fermés. L’espace semble infini. Telle un mirage, l’île Incahuasi s’éloigne à mesure que nous en approchons. Sur cette île, un petit restaurant a été aménagé. Il y a huit habitants.

Les seules personnes autorisées à rester pour la nuit sont ceux qui voyagent sans véhicule motorisé, et pour qui l’étape s’impose. Entre quatorze et dix-sept heures, l’entrée de l’île est encerclée par une horde de véhicules tout terrain, remplis de touristes en excursion.

Mais en dehors de ce ballet, nous profitons du décor somptueux en toute sérénité. Nous restons une journée entière sur l’île. Les différents moments de la journée rivalisent de beauté et de pureté. L’aube et sa lumière rasante, le zénith qui donne au blanc tout son éclat, la fin du jour et ses teintes dorées, et même le lever de Lune, sont un spectacle permanent.

Le blanc, le craquement sous les pneus, et le froid qui nous mord le visage nous donnent l’impression de rouler sur la banquise. Le sel blanc n’emmagasine pas du tout la chaleur du soleil contrairement à la terre. Aussi, une fois sur le salar, la température chute brutalement. Même en pédalant, nous avons de la peine à nous réchauffer.

Elise compte les couches de vêtements qu’elle superpose désespérément : des sous-vêtement et collants en Thermolactyl, un T-shirt à manches courtes, un T-shirt à manches longues, un pull, une polaire, un blouson, un foulard, un bonnet, une capuche, deux paires de gants et autant de chaussettes, un short et un jean, et même, un sac plastique par dessus les chaussures pour isoler du froid.

Il est vrai qu’elle est très frileuse, mais même l’eau qui s’échappe de notre bâche à eau percée gèle en fuyant. Une stalactite se forme sur le porte-bagages de Brieg !

Plusieurs kilomètres, quelques thés et encas plus tard, nous sommes à peu près réchauffés. Il faut cependant enfiler de nouveau tout l’attirail dès que le dernier rayon de soleil passe l’horizon.

Le second soir nous établissons notre campement au milieu de nulle part, en plein rêve. Visiblement, la température est descendue à moins quinze degrés environ. Depuis plusieurs jours il faut penser à bien vider de filtre à eau après chaque utilisation, de peur que la partie filtrante, en céramique, ne casse en gelant.

salar de Uyuni à vélo - Bivouac

Un tas de légendes circule autour du salar. Entre voyageurs, on raconte qu’il est déjà arrivé que des touristes tombés en panne avec leur 4×4 au milieu du salar soient retrouvés quelques jours plus tard gelés dans le véhicule ! Nous doutons que ces histoires ne soient pas un peu exagérées à chaque récit… Mais bien entendu pas impossibles du tout !

Le salar traversé, nous refaisons le plein de provisions dans la petite ville d’Uyuni en prévision d’une nouvelle piste, beaucoup plus difficile. Nous sommes en permanence autour de quatre milles mètres d’altitude. Cailloux, sable et montagne…

Les pentes nous brûlent les cuisses et les poumons. Nous roulons toujours en compagnie de Laurence et Lionel. La bonne humeur et les éclats de rire que nous partageons avec nos nouveaux amis nous aident à surmonter la difficulté.

De plus les paysages sont de vrais joyaux de pierre. Les roches à la géologie surprenante se découpent en mosaïque de couleurs. Canyons, pitons rocheux, montagne, on y trouve différentes gammes, des ocres-rouges au bleu-vert en passant par le noir. Dans ces décors de westerns nous descendons les Andes après avoir totalisé sept cents kilomètres de piste infernale !

tour du monde à vélo - Bolivie

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Film tour du monde à vélo
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