Récit de mon tour du monde à vélo : Chapitre 1 – Premières émotions (début)

Le contexte de ce tour du monde à vélo

Suite à mon tour du monde à vélo de 2 ans réalisé entre mars 2005 et mars 2007, nous avions écrit (ma compagne et moi) un texte dans le but de le publier… Mais pour plusieurs raisons, il n’a jamais vu le jour ! Il est donc temps de le partager ;).

Même si le voyage date un peu et que certains pays et informations techniques ont « un peu » évolué depuis, toutes les émotions que nous avons ressenties seraient les mêmes aujourd’hui.

Nous avons également réalisé un film de 45 minutes « La roue libre » que nous avons présenté dans différents festivals de voyage à vélo et que nous vendions à l’époque en DVD. Les images datent un peu mais vous pouvez maintenant le télécharger gratuitement.

Pour télécharger le film, il suffit de cliquer ici (ou sur l’image ci-dessous)

Film tour du monde à vélo
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Le récit de ce tour du monde à vélo

Lettre de sa maman à Elise :

« … et puis soudain c’est dimanche. Petit-déjeuner en famille avant longtemps. Ça sent bon la brioche. Ton petit frère est venu avec nous, et le grand arrive tôt, tu es soulagée qu’ils soient là. Tout le petit monde de votre vie est arrivé.

Tu me parais bien, crevée parce que tu ne dors plus depuis trois nuits. Normal je crois, tu te questionnes, un léger moment qui passera vite.


Deux petits bouquets de fleurs, offerts par une amie, trônent sur les guidons. C’est vrai, on dirait des bouquets de mariée. Mais la comparaison s’arrête là, c’est surtout ce qu’il y a dans l’air qui est comparable, la même joie, la même impatience.

La même émotion qui prend naissance dans la poitrine, grossit dans la gorge, et éclate au bord des yeux.

Déjà, les vélos bougent, vous ne nous appartenez plus. Vous êtes encore là, au bout du boulevard. Vous êtes déjà dans votre monde. Tu m’as dit « je suis heureuse ».

Chapitre I : Premières émotions

Mars 2005

Il arrive un moment où les récits de voyage, les diaporamas, les festivals consacrés au voyage ne suffisent plus. Partir devient une nécessité à laquelle il est impossible de résister. Les arguments à la louange du vélo comme moyen de voyager ne sont que des redites, et déjà convaincus, il nous faut l’expérimenter nous-même.

Plus rien ne pourrait nous faire changer d’avis. Nous allons partir, comme d’autres avant nous, à la découverte d’une infime partie de notre planète, sur deux roues. L’idée devient une obsession. Il est déjà trop tard pour reculer.

C’est alors que le projet d’un tour du monde à vélo prend toute la place dans notre pensée, nos comptes en banque et notre studio ! Aucune économie n’est difficile, car nous mesurons ce que ces petits sacrifices quotidiens vont nous apporter en échange : la liberté de réaliser un rêve longuement mûri.

Les vélos attendent sagement dans un coin de notre studio. Nous passons nos soirées assis devant ces deux cadres d’acier flambants neufs, qui n’ont pour l’instant rien à raconter, mais qui portent en eux tant de promesses.

Notre studio se transforme en camp de préparation. Nous installons même la tente et les duvets dans notre chambre mansardée, trop impatients, comme les enfants qui enfilent leurs vêtements neufs avant la rentrée des classes.

En revanche nous abandonnons peu à peu les récits de voyage à vélo qui sont douloureux car trop frustrants ! Les mois passent, entre rêveries, activité professionnelle et préparatifs concrets innombrables.

Le compte à rebours commence, puis arrive enfin le matin qui va changer nos vies. Réveil irréel, nous sommes sûrs d’avoir dormi sur un nuage, et n’en redescendrons que plusieurs jours plus tard.

Elise : «Je ne croise pas le regard de Brieg. Nous nous parlons à peine. Chacun vit ce moment intense de son côté, et en même temps, nous n’avons pas besoin de nous rapprocher, car déjà, nous ne formons qu’un. Ce projet est celui de notre couple. Nous partons en équipe. L’un sans l’autre, ce voyage n’aurait plus lieu d’être.

Brieg plane autant que moi. Au moment d’enfourcher les vélos, je lis un éclair d’appréhension et d’angoisse sur son visage tendu, mais qui s’efface vite pour laisser place à un large sourire.»

La maison est au fond d’une impasse. Nous n’avons donc pas la possibilité de faire demi-tour, de changer d’avis, de renoncer. Il faut aller de l’avant.

Donner le premier coup de pédale et jeter le dernier regard à nos proches. Nos proches, voilà un mot qui n’est pas tellement de circonstance, puisque justement à ce moment précis nous nous éloignons d’eux, et ce, pour deux ans de notre vie.

Quitter la maison à vélo est une démarche importante qui nous a permis de partir en douceur. Cette impasse nous la connaissons par cœur, les prochaines rues aussi.

Et puis voici un quartier dans lequel nous nous rendons rarement, et enfin, une petite route que nous découvrons pour la première fois. Le début de l’aventure en somme, puisque celle-ci sous-entend toujours une part d’inconnu. L’inconnu, c’est aussi cette sensation qui nous envahit, et porte le nom de Liberté.

Rien ne peut nous arrêter, nous sommes sur la route, enfin. La pluie, le manque d’entraînement, les premiers refus pour planter la tente, peu importe, puisque nous sommes dans l’euphorie du départ.

Brieg : «Entre Elise et moi le voyage commence vraiment bien. Nous sommes sur la même longueur d’ondes. Je pense que mon amour pour elle se renforce avec ce voyage qui est vraiment à la hauteur de mes espérances pour le moment. Mais c’est à nous de le rendre riche en allant vers les autres.»

Nous nous sommes mis d’accord depuis bien longtemps : chaque soir, nous allons chercher à poser notre tente à côté d’une habitation, afin d’être en sécurité.

Bivouac ferme voyage à vélo

Et surtout, il s’agit de provoquer les rencontres, puisque c’est pour elles que nous nous sommes engagés dans l’aventure. Rencontrer des inconnus, comparer nos modes de vie, nos tristesses, nos rêves, « Voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui » comme le conseillait Montaigne.

Les premières rencontres nous donnent envie d’y croire. Croire que ce voyage va nous apporter ce que nous partons chercher. Et sans tarder !

Quelques jours après être partis, nous nous approchons d’une maison des coteaux de la Loire. Sur le portail figure une peinture mettant en scène Bouddha et des inscriptions en sanscrit.

L’auteure de cette composition nous ouvre la porte, et après nous avoir écoutés, nous indique un coin où nous pouvons mettre la tente, dans les vignes en contrebas. Puis avant de nous laisser partir, la peintre nous propose mieux : un carré d’herbe de son jardin, où son mari est en train de construire un plancher afin d’installer une yourte.

Lorsqu’il nous rejoint dans la cour, c’est pour nous inviter aussitôt à passer la nuit chez eux, bien au chaud. En entrant dans leur maison, nous échangeons de nombreux regards complices tous les deux, car la maison est exactement à l’image de celle dans laquelle nous nous imaginons dans quelques années.

Nous sommes dans une autre dimension, c’est un peu comme si nous étions invités à passer la soirée dans notre vie future, tant les similitudes sont frappantes : le style de la maison, la composition de la bibliothèque, la cuisine.

Nous partageons jusqu’au prénom de certains membres de la famille ! Nous avons les mêmes centres d’intérêt, personnels et professionnels, comme le laissait présager cette yourte qui attend d’être montée dans leur jardin.

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Aurions-nous pu demander mieux pour notre première nuit chez l’habitant ? Trois jours plus tard, nous pouvons de nouveau ressentir cette chaleur humaine, inattendue, de la part de nos compatriotes.

Brieg sonne à un interphone, pour tenter d’entrer en communication avec les propriétaires de l’immense jardin qui s’étend derrière les grillages ; et où nous aimerions planter la tente pour la nuit. Depuis sa maison lointaine que l’on ne distingue même pas, la propriétaire nous répond, mais sa voix est complètement inaudible, à cause de la ferveur de ses bergers allemands.

Finalement nous allons chercher plus loin car l’idée de passer la nuit dans ce parc ne nous dit plus rien, puisqu’il faudrait partager la pelouse avec ces molosses qui n’ont pas l’air très accueillants.

Nous nous engageons finalement dans un chemin terreux au bout duquel se trouve une petite maison en pierre. Il y aura sans doute quelqu’un pour nous renseigner, puisque la cheminée laisse s’échapper un filet de fumée.

C’est un homme grand et chevelu, au regard hasardeux, qui nous ouvre, ébahi. Il nous fait entrer dans un premier temps, pour ne pas nous laisser sous la nuit pluvieuse qui commence à tomber.

Il a beau tenter d’expliquer qui nous sommes à sa femme, Yohann ne comprend pas bien le sens de notre entreprise. Il a du mal à imaginer que l’on puisse prendre son vélo en se disant que l’on part pour un tour du monde.

Nous aurons souvent à expliquer que c’est possible. Surtout au début du voyage, puisque nous ne pouvons pas encore nous appuyer sur notre expérience, mais seulement sur une démonstration «théorique» :

«- Si vous pédalez toute la journée, ce soir vous serez à Poitiers, n’est-ce pas ? Et si vous roulez aussi demain et les autres jours de la semaine, vous irez jusqu’à Clermont-Ferrand. Continuez encore un peu et en moins d’un mois, vous aurez traversé la France.

Voilà ce que nous comptons faire, mais pour plusieurs pays, et dans deux ans nous serons de retour en France après avoir fait le tour du monde.»

Yohann comprend au fil de la soirée notre démarche, il nous pose de nombreuses questions. Nous cherchons un endroit au sec pour poser nos matelas. Nous faisons le tour de sa maison avec lui : le garage, le grenier, tout y passe.

Mais au bout d’un moment, il nous propose de dormir dans un vrai lit puisque sa fille aînée est en pension, et nous installe dans sa chambre.

J’apporte à la jeune maman Valérie ce que nous avions prévu de manger ce soir dans la tente, et nous mettons nos repas en commun afin de préparer un dîner que nous partageons tous ensemble.

Nous entamons une dégustation de produits régionaux qui sera la première d’une longue série, pas toujours aussi appétissante que le fromage blanc de chèvre que nous goûtons ce soir là. Est-ce un dessert fort ou un fromage doux ? Les deux à la fois !

Nous passons une agréable soirée, et le lendemain matin, les croissants nous attendent sur la table, avec des cartes postales de la région en souvenir.

Yohann décide d’appeler le correspondant du journal local, qui arrive une demi-heure plus tard pour notre première interview. Yohann est maintenant fasciné par notre projet, et il ne veut plus nous laisser partir !

Il faut pourtant continuer notre route, et nous les quittons le cœur gros. Valérie glisse un pot de miel dans nos sacoches pour soigner la gorge d’Elise.

Nous reprenons les vélos, sans parler. Nous ressentons tous les deux une vive émotion. Cette nuit chez l’habitant vient de nous prouver qu’il n’est pas nécessaire de partir très loin pour rencontrer des gens intéressants et très généreux. Nos hôtes nous ont offert tout ce qu’ils pouvaient, et nous mesurons notre chance.

Elise : «La route n’est pas tellement difficile pour l’instant, mais je manque d’endurance. Je suis souvent fatiguée au bout d’une quarantaine de kilomètres, mais il faut faire plus pour avancer.

Je me force à aller plus loin pour ne pas retarder Brieg, mais parcourir vingt kilomètres supplémentaires en fin de journée m’est pénible.

J’espère que ça passera vite, et que je parviendrai bientôt à tenir la moyenne que l’on s’est fixée sans m’épuiser et sans me remettre en question comme aujourd’hui.»

Le soleil n’est pas très chaud mais il nous donne des couleurs. Malheureusement un petit vent nous ralentit, nous devons pédaler plus fort, même en descente ! C’est donc lentement que nous découvrons notre propre pays.

Faune, flore, chaîne des volcans, vestiges médiévaux, cultures et produits du terroir, architecture régionale, nous admirons les mille trésors qui font la richesse de la France.

Nous la découvrons sous un angle nouveau : l’œil du voyageur. Celui qui prend le temps d’observer, d’apprendre, de comprendre.

tour du monde à vélo - rétroviseur

Un peu comme si ce pays nous était étranger et que nous le visitions pour la première fois. Mais cet émerveillement de tous les jours ne nous fait pas oublier que c’est bel et bien notre pays, et nous n’en sommes que plus fiers.

Partout où nous passerons par la suite, nous serons toujours bien accueillis en tant que Français, qu’il s’agisse de pays contre lesquels nous avons été en guerre plusieurs fois au cours du dernier siècle, au cœur d’anciennes colonies d’Asie ou d’Afrique, ou encore dans le monde musulman.

Pour traverser le territoire, nous remontons de grands cours d’eau comme la Loire ou le Rhône, dont les noms nous rappellent les cours de géographie de nos classes primaires.

Hormis ces grands fleuves, nous longeons souvent de plus petits cours d’eau, dont les écoliers de France ne connaissent pas le nom. Comme ce jour où nous suivons le ruisseau de La Rozeille, dans le Massif Central, et qu’une fillette, en nous voyant passer, sort de son jardin en courant et nous crie :
« – Vous allez où ?

– Loin, très loin, nous partons pour un tour du monde !» lui répondons-nous tout en passant notre chemin.

Après nous avoir demandé si c’était bien vrai, et en avoir eu la confirmation, elle arrête de courir et se plante au milieu de la route, les bras ballants, la bouche entrouverte.

Nous nous éloignons, en remarquant dans nos rétroviseurs qu’elle restera dans cette position tant que nous sommes à portée de sa vue. Nous regrettons encore aujourd’hui de ne pas avoir pris le temps de nous arrêter, pour faire la connaissance de cette petite fille intriguée et intrigante.

Nous aurions pu lui donner plus de détails, lui expliquer comment nous en sommes arrivés à passer devant chez elle sur deux vélos chargés. Lui raconter que nous ne sommes pas partis sur un coup de tête, mais que cette aventure sommeillait en nous depuis bien longtemps.

Lui dire qu’à son âge Elise rêvait déjà de faire le tour du monde. Brieg aurait ajouté que lui désirait partir au long cours, et que, quand chacun trouve l’écho de son rêve dans celui de l’autre, sa réalisation devient sérieusement envisageable.

On ne se réveille pas un beau matin en décidant de faire un tour du monde à vélo. Encore étudiants, nous l’évoquions régulièrement. Les premières discussions étaient floues et incertaines.

Plus tard, Le livre « Le tour du monde à vélo » de Claude et Françoise Hervé, qui figurait depuis quelques années dans la bibliothèque de Brieg, ressortit des étagères et après l’avoir (re)lu, la décision fût prise.

Vivre une expérience semblable était trop tentant. La volonté et la motivation étaient là. Nous avons décidé que le voyage durerait deux ans, ni plus ni moins.

Nous ne souhaitions pas nous couper plus longuement de notre famille, de nos amis, du circuit professionnel, et nous souhaitions quand même prévoir deux années entières afin de visiter les pays qui nous attiraient, tout en prenant notre temps.

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Il fallait maintenant se mettre d’accord sur l’itinéraire, en tenant compte des envies de chacun. Le projet de voyage n’a vraiment pris une autre tournure que le soir où nous avons réussi à nous mettre d’accord sur un itinéraire commun.

Nous partirons donc de France à vélo vers l’est, direction Moscou, en traversant l’Europe centrale. A Moscou nous prévoyons de prendre le transsibérien pour éviter de traverser la Sibérie en plein hiver.

Ce train légendaire nous emportera jusqu’à Irkoutsk, près du lac Baïkal, où nous retrouverons nos vélos pour gagner la Mongolie. Nous pensons ensuite rejoindre Bangkok par la Chine puis l’Asie du sud-est.

Après une escale en Nouvelle-Zélande, nous atterrirons à Lima, capitale du Pérou, avant de traverser l’Amérique du sud jusqu’à Rio de Janeiro. Il nous faudra ensuite nous envoler vers le Sénégal, et de là, rouler toujours vers le nord pour revenir en France.

carte tour du monde à vélo

Au total, vingt-six pays et presque autant de nouvelles langues, d’agents de change crapuleux, de contrôles de douane, d’appréhension à l’idée d’entrer dans un pays inconnu. Mais autant d’émerveillement, de surprises, d’impatiences.

Maintenant que nous étions enfin d’accord sur l’itinéraire à emprunter, tout aurait pu aller très vite. Seulement, un tel voyage nécessite un budget conséquent, et il nous fallait d’abord mettre de l’argent de côté pour pouvoir réaliser notre rêve.

Cela demanda du temps puisqu’à l’époque nous avions un emploi, mais devions tous les deux retourner un an en cours pour finir notre formation.

Elise à Rennes pour obtenir son diplôme de guide-interprète national, puis Brieg à Nantes pour passer son brevet de capitaine de la marine marchande.

Nous fixions donc le départ trois ans plus tard. Ce délai nous paraissait interminable, mais il fallait en passer par là pour partir l’esprit libre, sans sponsors et sans emprunts.

Nous avions donc tout le temps nécessaire à la préparation du périple, au choix du matériel, aux formalités administratives, à la série de vaccins, même si c’est la dernière année que tout s’est accéléré.

Et puis, il fallait s’occuper du plus important : le choix des vélos. Nous hésitions entre des vélos de série, et des vélos faits sur mesure, plus adaptés à ce type de voyage, mais tellement plus onéreux. La solution se présenta d’elle-même.

Le marchand de vélo que nous avions choisi venait de racheter un lot de cadres de série, sur lesquels il pouvait monter tout le reste à la carte. Nous avons donc pu rester dans notre budget, tout en choisissant chaque pièce, de la marque des dérailleurs à la forme des cales-pieds.

C’est donc sur ces vélos que nous parcourons notre propre pays plusieurs mois plus tard. En traversant un autre village du Massif central, nous nous amusons des jeux de mots de la langue française.

A l’entrée du hameau, un panneau prévient les automobilistes « contrôles radar fréquents», tandis qu’au dessus un autre nous indique le nom on ne peut plus adéquat du village : «La Prune» !

En frappant aux portes pour demander un endroit où mettre la tente, nous aurons la tristesse de constater que dans nos campagnes, de nombreuses personnes âgées vivent seules, avec Jean-Pierre Pernaud pour seule visite, tous les jours à heure fixe à travers l’écran de télévision.

Mais à force de n’avoir que le journal télévisé et son flots quotidien de nouvelles sordides pour seule fenêtre sur le monde, elles deviennent paranoïaques.

Les vielles dames ne nous ouvrent pas la porte et soulèvent leurs rideaux en crochet blancs avant même que nous ayons sonné. Avant de connaître notre question, elles ont déjà répondu que « il vaudrait mieux aller voir ailleurs ».

Ou encore, que les gendarmes leur ont interdit d’ouvrir à des étrangers, comme des parents qui laissent leurs enfants tous seuls à la maison. Si nous pouvons comprendre leur méfiance, nous avons tout de même un peu de peine en imaginant que ce très court dialogue aura peut-être été leur seule conversation de la journée.

Certaines d’entre elles sont tout de même moins craintives et nous autorisent à poser notre tente dans leur jardin, non sans avoir ordonné à Brieg de refermer la porte de la maison derrière lui pour ne pas laisser sortir le chat.

Alors commence un rituel qui va rythmer notre vie pendant deux ans : choisir l’emplacement le plus plat, y monter la tente, déplier les matelas, installer nos petites affaires dans la tente. Faire chauffer de l’eau pour la toilette, puis sortir la popote pour manger avant qu’il ne fasse nuit.

cuisiner en voyage à vélo

Et puis comme à la maison, faire la vaisselle, mais avec le moins d’eau possible. Et dormir, enfin. Après une journée de vélo le sommeil, tout comme l’appétit , ne se fait pas désirer longtemps.

Nous faisons escale à Perol, chez Marinette, qui vit dans une maison typiquement auvergnate. Nous nous réchauffons devant sa cheminée dont le foyer n’est autre qu’une vieille pierre tombale dont on distingue encore l’épitaphe.

Brieg : « La vie tourne au ralenti dans ces coins reculés d’Auvergne. Je m’imagine ces lieux en plein hiver, bloqués par la neige. Elise a mis de la musique classique sur sa petite radio. Un moment de bonheur m’envahit.

Après avoir enduré de longues montées, à me demander ce que je faisais là, je me retrouve à me dire que c’est pour ces petits moments que je suis parti.

Pour pouvoir entendre le bruit des oiseaux toute la journée, écouter tous les bruits de la campagne. Je n’arrête pas d’entendre des pic-verts qui font vibrer leur bec sur les arbres. Je n’avais jamais entendu ce bruit avant.»

Dans la même région, nous goûtons à nos premières grandes côtes. D’abord une très belle descente en arrivant vers Clermont-Ferrand, qui nous offre une bonne poussée d’adrénaline. Nos sacoches chargées nous lestent et nous atteignons la vitesse d’environ soixante-dix kilomètres heures.

Mais après avoir traversé la capitale de l’Auvergne, nous constatons qu’une descente est souvent suivie d’une côte, et attaquons notre premier col. Le col Saint-Thomas ne culmine même pas à mille mètres, mais pour nos cuisses peu expérimentées, le dénivelé à dix-huit pour cent constitue l’événement majeur de la journée.

Nous apprécions le relief plus doux de la vallée de la Loire que nous longeons à nouveau. Nous arrivons ainsi dans la banlieue de Lyon. Même si la ville est encore loin, nous sentons déjà l’ambiance des grandes villes, avec des habitants craintifs, cloisonnés derrière leurs portails.

Cela nous change de l’accueil simple et chaleureux de la campagne, où les fermiers ont toujours un champ, une grange ou un grenier à foin à nous prêter, avec en cadeau des œufs ou du lait frais. Là, c’est au contraire au bout d’une dizaine de tentatives que nous trouvons enfin un jardin pour planter la tente.

Elise : « Nous sommes trempés et le ciel est toujours menaçant. Les habitants sont déjà des citadins et leur accueil est frileux. L’un d’eux nous propose même le cimetière.

Nous ne sommes pas très difficiles mais cette fois j’ai du mal à garder le sourire et lui réponds que l’on va quand même essayer de trouver moins glauque ! »

Nous avons fini par planter notre tente chez un gone, c’est-à-dire un lyonnais de pure souche. Il nous prête sa cuisine pour préparer notre dîner, pendant que sa femme étend nos vêtements devant la cheminée pour les faire sécher.

Au moment de dormir nous regagnons notre tente, sous le cerisier et sous la pluie, mais nous sommes secs et bien réchauffés. Malgré cet accueil sympathique, nous aurons maintes occasions de vérifier que généralement l’accueil devient timide à chaque fois que nous sommes près d’une grande agglomération, et finirons même par les appréhender…

Cliquez ici pour lire la suite du récit : Chapitre 1 – Premières émotions (fin)

Téléchargez gratuitement le film de notre tour du monde à vélo « La roue libre ».

Pour télécharger le film, il suffit de cliquer ici (ou sur l’image ci-dessous)

Film tour du monde à vélo
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Voir aussi mon article  » Assurance voyage à vélo – Laquelle choisir ? (Dossier complet) »

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39 Comments

  1. bonjour brieg. quelle belle aventure vous avez fait avec votre compagne, il faut avoir un sacré mental, que d »émotions vous m »avez procuré bravo encore

  2. Oouuuaaahhh qu’elle belle aventure ! Bravo à vous vraiment 😊.
    Ce récit est très bien écrit et il donne envie de lire la suite, un tour du monde à vélo il fallait oser ! Bravo à vous

  3. Ayant pris une année sabbatique pour faire le tour de l’Amérique du Sud avec mon sac à dos votre blog et vos récits me parlent tout particulièrement… A l’époque j’avais hésité à choisir ce mode de transport pour finalement opter pour le bus et le bateau (descendre l’Amazone était un de mes rêves). Clairement je pense que le vélo est top pour rencontrer du monde et avancer au gré des paysages. J’ai hâte de lire la suite de ce périple 🙂

  4. J’ai tellement hâte de pouvoir lire la suite de votre aventure ! Je rêve de pouvoir un jour faire la même chose que vous, bien que je ne sois pas un cycliste hors pair et que le froid me fait peur je me dit que tout est possible et que c’est un problème qui vaut sûrement le coup d’être surmonter !
    En tout cas merci de partager votre récit avec nous !

    • Pas besoin d’être un cycliste Aguérri. Si la motivation est là tout devient possible !
      Pour éviter le froid il suffit de bien se caler avec les saisons et les différents climats 😉
      Brieg.

  5. On aurait pu se croiser… j’etais en sens inverse sur les chemins du monde a la meme epoque 😉 Jolie plume! j’adore les recits de voyage au long court… on en lit des dizaines, des centaines, mais pourtant, ils sont tous uniques ! Et commencer par aller chercher l’aventure a la porte de chez soi, rien de tel pour se mettre le pied a la pedale ! 😉

  6. Super recit! a nous aussi ca fait renaitre des souvenirs de voyages! et surtout de rencontres!! au final c est surtout cela que l on retient des voyages! des beaux moments partages ensemble!
    que faites vous maintenant 13 ans plus tard? j imagine qu apres un sacre trip comme ca, difficile de replonger dans routine trop longtemps??? 😉

    • Les Aventures continuent en France et à l’étranger. Kayak au Groenland, rando et vélo un peu partout. Et puis une grand voyage annulé cette année à cause du Covid…

  7. Merci pour ce récit dont j’attends la suite avec impatience. Sans faire de tour du monde mais plutôt à pied avec souvent les crampons et le piolet dans le sac, j’ai goûté aussi à la liberté en autonomie complète sur des durées beaucoup plus courtes, entre mai et décembre durant 27 ans. Quitter la ville, le béton, le goudron, le vacarme incessant du métro et des voitures. Tout laisser. Partir avec l’essentiel. Aller au delà de l’horizon. Entre ciel et terre. Contempler la beauté des paysages. Festival de couleurs et de sons. Le vent qui emporte les mots. Les lueurs mordorées du couchant. Poser sa tente dans un endroit idyllique. Trouver de l’eau. Faire sa cuisine toute simple. Croiser sur une crête ou un col d’autres personnes à la personnalité attachante et au projet fabuleux …

  8. Incroyable !
    On peut ressentir chaque émotion ressentie dans ton récit. J’a vraiment apprécié un des objectifs de cette aventure : les rencontres. Car c’est en voyageant ou en partant à l’aventure au sens large qu’on se rend vraiment compte de la richesse des rencontres et surtout de la beauté de la nature humaine.
    Elise a évoqué éprouver des difficultés au départ, en arrivant au bout des 40 kilomètres quotidien, mais quel était votre objectif théorique ?

    J’ai hâte de découvrir la suite, vous m’avez ait voyagé ! 🙂 Bravo !

    • Merci pour le commentaire ! Nous faisions en moyenne 60 km de vélo par jour (entre 40 et 100 km max. Ou parfois 3 km en cas d’invitation 😉

  9. Wow, vous l’avez fait ! J’ai beacucoup aimé votre façon d’alterner le récit de l’un avec le vécu de l’autre. On sent que c’est vraiment votre voyage à tous les 2. Ayant moi aussi le goût du voyage, il y a ces 2 phrases qui me parlent particulièrement : « L’inconnu, c’est aussi cette sensation qui nous envahit, et porte le nom de Liberté » et « Il n’est pas nécessaire d’aller loin pour rencontrer des gens intéressants ». Belle continuation dans votre projet de partager cette aventure avec nous !

  10. Bonjor Grieg, merci pour votre récit.
    Lorsque je fais des randonnées sur plusieurs jours, j’ai le même sentiment de malaise que vous lorsque vous arrivez dans de grandes villes: personnes distantes, peu accueillantes, mornes,…

  11. Bonjours beaux aventuriers,
    Merci pour ce partage de vos exaltants voyages. L’aventure peut être au coin de la rue si on la cherche, et vous avez eu le courage et la force d’aller beaucoup plus loin ! Avec certainement La réflexion classique que j’ai souvent eu, « Mais bon sang qu’est ce que je fous là ! » et continuer et vivre ! Bravo à vous deux. J’espère que vous allez bien, que la musique et le vent vous garde et vous emporte. Amitiés . Jean Luc

    • Merci Jean-Luc pour votre commentaire. Effectivement pas besoin d’aller loin pour vivre l’Aventure. Mais les horizons lointains sont très attirants aussi…
      Quand on a un rêve il faut oser le faire !

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