Récit de mon tour du monde à vélo : Chapitre 1 – Premières émotions (fin)

voyage à vélo en europe

Le contexte de ce tour du monde à vélo

Suite à mon tour du monde à vélo de 2 ans réalisé entre mars 2005 et mars 2007, nous avions écrit (ma compagne et moi) un texte dans le but de le publier… Mais pour plusieurs raisons, il n’a jamais vu le jour ! Il est donc temps de le partager ;).

Même si le voyage date un peu et que certains pays et informations techniques ont « un peu » évolué depuis, toutes les émotions que nous avons ressenties seraient les mêmes aujourd’hui.

Nous avons également réalisé un film de 45 minutes « La roue libre » que nous avons présenté dans différents festivals de voyage à vélo et que nous vendions à l’époque en DVD. Les images datent un peu mais vous pouvez maintenant le télécharger gratuitement.

Pour télécharger le film, il suffit de cliquer ici (ou sur l’image ci-dessous)

Film tour du monde à vélo
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Le récit de ce tour du monde à vélo

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Suite du chapitre 1…

Avril 2005

Une fois à Lyon les prévisions météorologiques n’annoncent pas d’amélioration, et cette nouvelle nous retient un jour de plus dans la ville. C’est l’occasion de passer plus de temps avec la famille du parrain de Brieg qui nous reçoit.

Nous en profitons aussi pour découvrir la ville des canuts, et explorer les traboules de long en large. Ces passages secrets qui permettent de passer d’une rue à l’autre en traversant les immeubles, les cours, les cages d’escaliers.

On se croirait dans un véritable labyrinthe et celui qui vous suit dans une traboule a tout de suite la silhouette d’un personnage d’Agatha Christie. En fin d’après-midi Mathilde, la jeune cousine de Brieg, couvrira quelques pages du carnet de bord d’Elise de beaux dessins.

« Départ en vacances », « Le chameau », « La princesse orientale » : le thème du voyage semble l’inspirer et du haut de ses sept ans, elle réalise des dessins très cohérents et réalistes, comme si elle revenait tout juste de ces pays.

C’est bien la seule personne à qui nous ouvrirons un de nos carnets de voyage, car ils constituent de vrais recueils auxquels nous livrons nos impressions, nos colères, nos divagations aussi.

Un doux mélange de livre de bord et de journal intime. Nous avons d’ailleurs chacun le nôtre car nous ne vivons pas nécessairement les choses de la même façon.

Cette seconde nuit à Lyon nous permet de passer une journée sans toucher aux vélos. Notre première pause depuis que nous sommes partis.

Nous sommes impatients d’arriver chez le père de Brieg, dans les Alpes. Là, nous resterons plusieurs jours pour nous reposer vraiment, être avec lui, et mettre les derniers détails au point avant de quitter la France, car c’est lui qui sera chargé de la logistique pendant le voyage. Dernières mises au point techniques, et nous quittons la France…

Notre première frontière est matérialisée par un simple panneau indiquant que nous venons d’entrer en Suisse. Dans la région d’Aigle, les habitants cultivent le raisin. Tous les habitants, car le raisin récolté ici est le plus cher du pays, donc chacun en cultive dans son jardin pour profiter de cette manne financière. Aucun mètre carré n’est épargné.

Pendant une ascension un quadragénaire propose de nous offrir une boisson chaude, ce que nous apprécions car un peu plus haut c’est la neige qui nous attend.

De l’autre côté du col des Mosses, nous arrivons dans une très belle vallée. Le « petit suisse » nous avait prévenu : « Vous verrez, de l’autre côté, c’est une carte postale ». Et nous nous émerveillons de constater que c’est vrai.

La vallée est très encaissée, mais au bout d’une dizaine de kilomètres, elle s’élargit, laissant place à de magnifiques paysages malgré le ciel gris. Les chalets de bois s’accrochent entre la rivière qui coule en fond de vallée et les alpages aux cimes enneigées.

De petites fleurs parsèment les champs de taches jaunes et blanches. Les vaches, avec leurs grosses cloches, semblent tout droit sorties d’une publicité pour chocolats suisses !

Elise : «C’est beau, à tel point que j’en oublie de regarder la route, et inévitablement, c’est la chute. Un raclement me sort de mes pensées, ma sacoche avant s’est accrochée dans la glissière de sécurité.

panneau chute à vélo - besoin d'aventure

Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui se passe et déjà mon vélo se bloque et je fais un beau vol plané au dessus du guidon. C’est une drôle de sensation de heurter le sol avec vitesse.

Les grands ont perdu l’habitude de tomber, et je panique à l’idée de penser qu’une voiture me suit peut-être. Heureusement nous sommes sur une route peu fréquentée, ce qui limite les dégâts. Je m’en tire avec quelques belles égratignures et surtout une bonne leçon.»

Bien sur la beauté du paysage y est pour beaucoup, mais Elise est déconcentrée ces jours-ci car elle a appris une mauvaise nouvelle juste avant de passer la frontière.

Quand on part pour un très long voyage, il faut se préparer à manquer des évènements familiaux importants, certains heureux, d’autres tragiques.

Et si le vélo offre beaucoup de temps pour admirer, rêver, méditer, quand tout va bien, il est aussi facile de passer tout ce temps à broyer du noir dans des jours un peu plus difficiles. Ses idées, comme le ciel, restent gris plusieurs jours.

C’est dans cette ambiance un peu particulière que nous découvrons la Suisse et la région des lacs. Nous ne nous attendions pas à une telle beauté aux portes de la France.

Nous découvrons aussi un aspect bien connu de ce pays parmi les plus riches d’Europe : le coût de la vie. Nous payons la baguette de pain trois fois plus cher qu’en France, et comme nous mangeons un kilo de pain par jour, cela allège très vite notre porte-monnaie.

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Ce budget, nous l’avons estimé avant de partir à quinze euros par jour et par personne, pour toutes nos dépenses quotidiennes, hors matériel, avion et assurance (en 2020 nous aurions estimé notre budget quotidien entre 20 et 25 euros par personne).

Evidemment en Suisse nous dépassons largement cette moyenne, mais comme nous visiterons également des pays où le niveau de vie est plus faible, finalement nous resterons précisément dans le budget que nous nous étions fixé.

La dépense principale journalière est constituée des provisions pour les repas. Comme nous utilisons beaucoup la tente, l’hébergement ne représente pas une grosse dépense.

Nous dormons principalement dans des fermes. Ce matin nous avons été réveillés tôt par le bruit des souris qui nous ont prêté un bout de leur grange. Hier, c’était le grognement des cochons. Notre réveil change de sonnerie tous les matins !

Nous expérimenterons plus tard diverses mélodies, certaines plus agréables que d’autres pour commencer la journée : du coq déréglé qui ne cesse de hurler dès trois heures du matin, aux battements d’ailes du colibri, en passant par les hurlements de singes. Quel luxe !

Avant d’entrer en Allemagne, nous traversons un pays européen en un temps record : le Liechtenstein ! Du nord au sud, ce pays, parmi les plus petits du monde, s’étend sur environ vingt-quatre kilomètres.

C’est donc très rapidement que nous arrivons en Autriche. Mais notre séjour dans ce pays est aussi expéditif que notre visite du Liechtenstein, car à l’ouest l’Autriche s’étire en une longue pointe, étroite de quelques dizaines de kilomètres. Nous ne passons qu’une nuit dans ce pays qui fait rêver Elise, qui croit apercevoir « Sissi impératrice » à chaque coin de rue !

Nous arrivons en Allemagne par le lac de Constance. L’allemand est la première langue étrangère à laquelle nous devons faire face. Ni l’un ni l’autre ne connaît cette langue à laquelle nous sommes confrontés depuis la Suisse.

Nous nous munissons des outils indispensables pour communiquer, qui seront toujours les mêmes au cours du voyage : un dictionnaire bilingue acheté sur place, un papier expliquant notre voyage et demandant un endroit où planter la tente, et l’assimilation des quelques mots basiques bonjour, s’il-vous-plaît, eau, combien, merci, au revoir… et baragouinons comme nous pouvons.

voyage à vélo-panneau route

Sur le linteau des portes, une inscription à la craie nous intrigue : 20 C + M + B 05. Un langage strictement incompréhensible à nos yeux. Une famille de fermiers qui nous héberge dans sa grange à foin nous explique que cette inscription marque l’épiphanie qui a eu lieu quelques semaines plus tôt. Les chiffres indiquent l’année, et les lettres sont les initiales des rois mages.

Chez eux, nous goûtons au petit-déjeuner sucré-salé. En plus des tartines, café et confiture auxquels nous sommes habitués, la table se couvre de fruits séchés, fromages, charcuterie, œufs.

Ce qui nous va très bien car nous faisons ainsi le plein d’énergie pour pédaler. Les villages que nous traversons sont très touristiques, même si à cette période de l’année il semble que nous soyons les seuls curieux à visiter la Bavière.

De ce fait, trois maisons sur quatre affichent « Zimmer frei » pour indiquer que des chambres sont libres. Cela ne nous aide guère car il est difficile d’expliquer que nous ne sommes pas intéressés par une chambre d’hôtes à cinquante euros mais seulement par un coin d’herbe dans leur jardin.

Nous sommes malgré tout exceptionnellement bien accueillis puisqu’un éleveur met gracieusement à notre disposition un gîte. Nous sommes si heureux de ce confort inattendu que nous oublions vite la forte odeur de cheval et de cuir qui imprègne le logement.

Comme toutes les maisons traditionnelles, les volets sont peints, et les fenêtres surmontées de frises en bois finement découpées. Des scènes naïves ornent certaines façades : famille en costume, scène de chasse, Adam et Eve version bavaroise, entourés de vaches et de montagnes !

Sur les calvaires, le Christ est protégé par un petit toit arrondi. Cette variante de la crucifixion est très comique lorsque nous admirons des parapentes atterrir juste derrière un de ces calvaires. Les sportifs, les bras en croix surmontés de leur voile, ont un air de ressemblance frappant. L’image est aussi drôle qu’inattendue.

Plus loin le relief s’adoucit, nous quittons les Alpes et nous dirigeons vers Munich et ses bier-garten, littéralement les « jardins de la bière », de grandes brasseries de plein air où le breuvage national coule à flots.

Même les jeunes filles, élégantes dans leur costume traditionnel au décolleté pigeonnant, lèvent leur lourd verre d’un litre. Il flotte dans l’air une ambiance de bal-musette de bord de Marne.

La pluie nous a enfin quittés et même tard, les températures sont douces. La région est agricole, les couleurs uniformes des champs de blé ou de colza s’opposent aux mosaïques de couleurs vives des champs de tulipes, que l’on peut cueillir soi-même.

Le paysan n’est pas là, mais les prix sont affichés et il suffit de déposer l’argent dans l’urne. Nous doutons que ce système puisse fonctionner chez nous. Il n’y aurait peut-être plus de fleurs, ou de caisse !

Les Allemands confirment leur réputation irréprochable et leur respect des règlementations. En ville nous sommes les deux seuls à ne pas attendre que le petit bonhomme soit vert pour traverser !

Pourtant ils semblent laisser cette droiture à la maison quand ils franchissent la frontière tchèque, car celle-ci est bordée de dizaines de maisons closes qui leur sont destinées…

Ces établissements nous offrent une première image peu réjouissante de la République tchèque. Heureusement, ils disparaissent au bout de quelques kilomètres et nous découvrons le vrai visage du pays, notamment la chaleur de sa population.

Dès le premier soir, nous sommes invités à dormir chez l’habitant. Pour une fois, nous ne sommes pas très à l’aise, car la famille ne cherche pas du tout à faire connaissance, et passe la soirée dans une pièce voisine.

On nous sert un café à la turque, c’est-à-dire que le café moulu est versé directement dans l’eau, sans filtre. Le goût est très amer, et la couche de marc est si épaisse que nous pourrions aisément lire l’avenir dans le fond de notre tasse.

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Au réveil la même décoction nous attend sur la table. Il faut parfois se forcer un peu et accepter les cadeaux que l’on reçoit, sous peine de vexer celui qui nous l’a tendu. Qu’il s’agisse d’une tasse de café ou d’un napperon de mauvais goût, un cadeau ne se refuse pas.

Les seuls présents que nous refuserons sont ceux qui ont une trop grande valeur, comme cette peau tannée qu’un marocain a voulu nous offrir, après nous avoir expliqué qu’elle représentait pour lui plusieurs jours de travail.

En Europe centrale, les habitants nous offrent principalement de la nourriture. Qu’ils soient tendus avec insistance ou discrètement glissés dans nos sacoches, ces encas vont nous accompagner pendant plusieurs jours, et bien souvent nous n’entamons même pas nos réserves.

La générosité des pays de l’est est incomparable, en République tchèque comme en Pologne. Quasiment chaque soir nous dormons au chaud, et sommes accueillis comme des rois.

voyage à vélo - accueil Europe de l'est

Tantôt on va faire appel à une cousine qui servira d’interprète, nous emmener visiter un château, nous inviter à une fête ; tantôt on nous présente une amie qui habite Prague et propose de nous y accueillir, on nous fait goûter un breuvage maison ou on nous offre une bouteille de merunka…

Parfois, nous trinquons avant même de prendre la route. Cela n’est qu’un prélude aux semaines qui vont suivre au rythme des tintements de verres et des glouglous de vodka…

voyage à vélo - accueil chez l'habitant

L’alcool est un fléau qui prend de l’ampleur à mesure que nous avançons vers l’est. Une fois arrivés en Pologne, nous croisons très souvent des hommes ivres lors de notre pause de midi.

Ils viennent faire connaissance, mais leur état ne permet pas de tirer quelque chose de cohérent de la conversation. Nous essayons plusieurs fois de nous esquiver, mais cela nous oblige bien souvent à remonter sur nos vélos alors que nous étions justement arrêtés pour nous reposer.

La Pologne a le taux de chômage le plus élevé de l’union européenne. Faut-il y voir un lien de cause à effet ?

Nous découvrons les très belles villes polonaises : la vie s’articule autour de la place principale, immense. Celle de la belle Cracovie est réputée pour être la plus grande des places d’Europe.

Sur l’ancienne place du marché, les petites filles sont en blanc, et célèbrent leur communion. Elles ne portent pas d’aube mais une robe blanche de cérémonie, comme de vraies mariées. Elles tournent sur elles-mêmes pour profiter des mouvements gracieux de leur belle tenue.

Le peuple polonais est un peuple pieux et l’image du pape Jean-Paul II, décédé un mois plus tôt, est omniprésente. Il s’était rendu plusieurs fois dans la ville de Czestochowa, que nous visitons à notre tour.

Dans le monastère de Jasna Gora, des centaines de catholiques se pressent. Il est déjà tard et pourtant une messe a lieu. Les fidèles restent debout car il n’y a pas de bancs. Tous sont venus vénérer l’icône de la Vierge Marie qui pleure.

La basilique est un véritable coffre à bijoux. Les pèlerins, venus de toute l’Europe, font des offrandes à la Sainte Vierge. Les milliers de médailles en argent représentant un cœur, une croix, et même une jambe se mêlent aux colliers d’ambre qui ornent les murs.

Habituellement le trésor des églises est sagement gardé sous clé dans les presbytères ou dans la sacristie, mais à Czestochowa, c’est l’église elle-même qui constitue un trésor, scintillant à la lueur des cierges.

Notre visa biélorusse ne prend effet qu’au début du mois prochain. Nous profitons de notre avance pour visiter plus tranquillement les régions que nous traversons, et prendre le temps de fêter l’anniversaire de Brieg.

Le soir même, deux dames nous indiquent un coin au bord de la rivière où nous pourrions camper, mais comme ce serait aussi l’emplacement idéal pour nous faire dévorer par les moustiques, nous décidons d’aller un peu plus loin et plantons finalement la tente dans le jardin de Marek, un homme avec qui nous fêtons simplement les vingt-sept ans de Brieg.

Elise : « Je sors de mes sacoches un petit gâteau, des bougies, et un livre en français que j’ai réussi à acheter en douce. Nous trinquons avec une bouteille de merunka offerte quelques semaines auparavant.

Alors qu’il fait déjà nuit, nous sommes invités autour d’un barbecue chez le curé du village. Nous y retrouvons les deux femmes rencontrées un peu plus tôt. Nous chantons à tour de rôle.

La lampe à pétrole posée au centre de la table diffuse une lumière très douce qui n’éclaire qu’une face des visages. L’ambiance est semblable à celle peinte par Georges de la Tour dans ses tableaux de scènes bibliques. »

C’est justement ce sujet qui intéresse le prêtre qui nous invite. Ce n’est pas une surprise vu sa fonction, mais la conversation est un peu compliquée car trois mots de polonais contre deux mots d’anglais ne suffisent pas à échanger sur des sujets aussi profonds.

Malgré son insistance la conversation tourne court et nous regagnons notre tente autour de laquelle le chat de Marek n’arrête pas de tourner. Nous le chassons de peur d’attraper des tiques, car l’encéphalite à tiques menace, bien que nous soyons vaccinés. Régulièrement, nous nous inspectons mutuellement pour vérifier qu’aucune de ces petites bêtes n’a élu domicile sur notre épiderme.

Le vent nous pousse. Brieg essaie depuis quelques jours d’imaginer une voile pour nos vélos. Il tente de se servir de nos capes de pluie en matière souple et légère pour en faire un spi. Après presque deux heures d’essais vains, il abandonne ses tentatives, mais l’idée lui reste en tête.

Et il en parle pendant plusieurs dizaines de kilomètres. Impossible de l’en dissuader, son métier de marin l’a sans doute habitué à exploiter au mieux la force du vent. Ses essais se répèteront à intervalles réguliers, pour finalement fonctionner plusieurs mois plus tard, en Mongolie puis au Brésil !

Cliquez ici pour lire la suite du récit : Chapitre 2 – Fiançailles biélorusses

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