LE FILM : Cliquez ici pour voir la bande annonce et le télécharger.
Cet article est un article écrit par Nicolas ( Un de mes coéquipiers pendant cette expédition).
C’est donc lui qui s’exprime à travers les « je ». Nicolas est atteint d’une Spondylarthrite. Une maladie inflammatoire, provoquant des douleurs parfois intenses au niveau des articulations.
En raison de sa maladie, cette aventure était un vrai défi pour lui. Il l’a réussi ! Bravo à lui 🙂
Place au récit de Nicolas…
Si vous n’avez pas encore lu le récit du 22 au 25 juillet, je vous invite à cliquer sur ce lien pour le lire avant : Article Immakayak 3/7
Jeudi 26 juillet : QEQERTAQ
Départ du Bivouac 6 : 11h30 / arrivée au village de Qeqertaq à 14h30 / 3h00 de navigation et 7.5 milles parcourus (14 km).
Météo : Vent d’Est faible à nul, puis forcissant à 30 noeuds (55km/h) juste à notre arrivée / Temps couvert, pluie importante / visibilité correcte / Température 4°c.
Nous avons passé la nuit dans la cabane, bien à l’abri de la pluie. Malgré ce vrai confort, je me suis réveillé à 4h00 du matin avec des douleurs sterno-costales. Rien n’est jamais parfait, c’est comme ça ! 8h30 : heure du réveil officiel. Sans surprise, c’est toujours difficile pour moi. Je suis donc le dernier à sortir de mon duvet. Durant la nuit, la pluie n’a pas cessé et la matinée risque d’être toujours aussi humide. Mais ce matin le petit-déjeuner se prend assis autour d’une table et c’est bien agréable.
Une fois nos affaires rangées dans nos différents sacs, nous enfilons nos combinaisons étanches, nos cagoules et nos bonnets. La température extérieure n’est que de 4°C et avec la pluie, il fait encore plus froid… Le portage s’effectue sur un terrain pentu et glissant, la journée commence donc par cette première épreuve physique. Trois heures après notre réveil, nous sommes enfin sur nos kayaks avec, pour compagnons le froid, la pluie et un petit vent portant.
Nous pagayons toujours à bonne distance des icebergs qui sont bien souvent comparables à de véritables montagnes. Après 2h30 de navigation, nous distinguons le village de Qeqertaq. Ce village de 128 âmes représente à mes yeux une véritable oasis, où la vie humaine est un défi face à la nature environnante, et la preuve d’une incroyable capacité d’adaptation.
Nous sommes jeudi, jour du ravitaillement hebdomadaire du village par le caboteur rouge. Ce navire est le trait d’union avec les autres communautés de la côte Ouest du Groenland. Ici, pas d’avion et encore moins de voiture. Nous débarquons au moment où je commence à avoir de plus en plus froid. Notre nouveau camp se situe au niveau d’une pointe, un peu à l’écart du village, et avec pour voisins une meute de chiens bien attachés à des chaînes.
Il est bon de préciser que ces chiens ne sont pas comparables aux petits toutous que l’on croise en France. Les chiens groenlandais sont avant tout des animaux utiles, qui servent à tracter les traîneaux dès que la banquise le permet. Ces animaux très sportifs savent donc résister à la rudesse de l’environnement et restent en permanence à l’extérieur. En cette saison, il y a beaucoup de chiots qui gambadent sous l’oeil vigilant de leur mère. Leurs maîtres les soignent chaque jour en leur apportant du phoque ou de la morue. Dans cet environnement, le chien groenlandais peut s’apparenter à un animal sauvage. Pour la personne qui n’est pas avertie, il ne vaut mieux pas aller les taquiner.
Au moment où nous établissons notre campement, le vent devient très fort. Je suis frigorifié. Malgré les puissantes rafales atteignant les 30 nœuds, nous parvenons à monter notre tente, arrimée solidement à de gros cailloux. Nous nous réchauffons et dégustons une soupe, protégés à l’intérieur de notre abri. Plus tard, nous allons visiter le village de Qeqertaq en passant par les rochers. Pas de route ici, juste des chemins rocheux ou boueux.
Nous trouvons la supérette proposant quelques produits de première nécessité, dans un espace qui ressemble beaucoup à un simple conteneur. Nous en profitons pour acheter du papier aluminium (toujours utile pour faire la cuisson du poisson en papillote ! ) et 3 cafés pour nous faire plaisir. Attention, pas la peine de demander une bière : l’alcool est très réglementé sur le territoire et, traditionnellement, le peuple Inuit n’a pas l’habitude de boire. On connaît trop les méfaits que ces boissons peuvent engendrer sur d’autres populations similaires.
En repartant à notre campement, nous jetons un œil dans l’église, équipée de toilettes sèches. La conception en bois du bâtiment lui donne une allure de maison chaleureuse. Un peu plus tard, de retour à notre bivouac, nous nous couchons sous la bonne garde des chiens loups, en espérant que le soleil sera au rendez-vous le lendemain matin.
Vendredi 27 juillet : Une douche
Départ du Bivouac 7 : 14h30 / arrivée au bivouac 8 : 18h30 / 4h00 de navigation et 10 milles parcourus (19 km).
Météo : Vent nul / Temps nuageux / bonne visibilité / Température 6°c.
La nuit a été agitée, en raison des hurlements des chiens mêlés au ronronnement du groupe électrogène. A cela s’ajoute les craquements des glaces qui s’entrechoquent, s’échouent ou se retournent. De plus, la pluie n’a pas cessé de tomber. Au réveil, nous ne sommes pas très motivés pour sortir de nos duvets. Malgré tout, nous avons une motivation : UNE DOUCHE !
Dans ce village, l’eau courante n’est pas présente dans chaque maison. Des machines à laver et des douches payantes sont accessibles dans la maison communale. Nous retrouvons le plaisir d’une douche chaude : que du bonheur !
Après cette parenthèse, nous retournons à notre campement, à l’abri de la pluie et du froid. S’enchaînent le rangement, l’habillage, le portage, et à 14h30 nous finissons par retrouver nos kayaks.
Nous quittons le village de Qeqertaq. Dorénavant, nous ferons cap au Sud. C’est très agréable car c’est bien connu, au Sud, il fait toujours meilleur… 😉 . D’ailleurs, la pluie s’estompe. Benjamin a gagné en motivation avec la douche puisqu’il reste en tête de course durant toute la journée.
Après avoir retraversé le fjord Torssukatak sans difficulté, nous passons dans une passe bordée par de grandes falaises. Depuis nos kayaks, nous ne pouvons faire autrement que de nous sentir minuscules face à cette nature aux dimensions impressionnantes. Il ne pleut plus, la lumière est incroyable et j’observe Benjamin qui passe devant les glaces. Après 3h30 de navigation, nous trouvons une petite baie dans laquelle des pêcheurs ont établi un campement. Ce lieu est propice au repos, avant de repartir en pêche.
Comme trop souvent, le temps du portage me suffit à être frigorifié. Cette sensation est juste horrible. Une fois changé, je retrouve la sensation de mes orteils. Benjamin allume un feu qui nous redonne du baume au cœur. Le paysage est tellement fantastique que je pars marcher pour prendre de la hauteur et y découvrir la vue donnant sur la mer. La lumière du soleil se reflète sur les icebergs et les montagnes enneigées de l’île de Disko.
A mes yeux, ce voyage est unique et ce qui le rend très fort c’est que j’en suis pleinement conscient. Je ne guérirai sans doute pas de la spondylarthrite, mais je sais maintenant que je peux encore faire des choses fantastiques. Malgré les difficultés, je pense que nous avons tous de grandes capacités pour profiter du plaisir de la vie. Cette onzième journée de kayak se termine donc avec le sourire et sous la lumière polaire.
Samedi 28 juillet : Agpat et son phoque
Départ du Bivouac 8 : 10h30 / arrivée au village abandonné de Agpat : 14h00 / 3h30 de navigation et 8 milles parcourus (15 km).
Météo : Vent 10 noeuds de Sud puis nul / Soleil / très bonne visibilité / Température 7°c.
Aujourd’hui, la mer est tellement lisse que l’on pourrait croire que nous sommes sur un lac. Nous apercevons quelques phoques, toujours très craintifs. Nous croisons un bateau avec des Groenlandais à bord qui profitent de ces excellentes conditions climatiques pour chasser. Il faut préciser que le phoque représentait, il y a encore peu de temps, l’élément de survie pour cette civilisation. Très attachés à leurs traditions, ils aiment continuer à chasser et manger le phoque, c’est d’une certaine manière leur façon de préserver leur identité.
Sous le soleil, nous arrivons au village abandonné d’Agpat. Il y a quelques années, c’était une plateforme importante pour la transformation du poisson. Par la suite, le village a été transformé en camp de vacances d’été pour les jeunes d’Ilulissat, puis le site a été abandonné.
Aujourd’hui les bâtiments sont déserts. Nous découvrons des dessins accrochés aux murs datant de la fin des années 90. C’est toujours une drôle de sensation de se trouver dans un lieu où la vie humaine s’est arrêtée. On imagine la vie du village, avec ses enfants devant apprendre à vivre au milieu d’une telle nature ou encore les villageois se réunissant au sein de l’église, pour ensuite grimper dans les hauteurs afin d’accompagner pour la dernière fois, un de leurs proches au cimetière. Ici le défunt n’avait pour simple tombe qu’un amas de pierres pour le recouvrir. Le sol rocheux ou gelé ne pouvant être creusé.
Nous installons notre tente devant un grand bâtiment qui servait certainement de dortoir. Le paysage défile devant nos yeux. Il s’agit bien du paysage qui bouge car les glaces ne cessent de dériver devant les montagnes, sous nos yeux émerveillés. Brieg en profite pour réaliser quelques séquences vidéo. Je fais un tour en kayak pour l’occasion. Jouer le figurant me sert de prétexte pour passer à proximité d’un gigantesque iceberg, et même, pour une fois, de glisser sur l’eau au-dessus d’une partie immergée de l’iceberg.
Toujours sur l’eau, je suis abordé par un bateau de Groenlandais qui rentrent de leur partie de chasse au phoque. Nous réussissons à échanger quelques mots en anglais. Le pilote de l’embarcation est fasciné par ma pagaie traditionnelle et m’explique qu’il est kayakiste également. Je suis heureux de partager cet instant et très touché par cet échange. Et je me retrouve avec un cadeau unique : 3 kg de côtes de phoque !
Benjamin essaie de le cuire comme un rôti, mais la cuisson est très longue. Même si le soleil ne se couche pas, une heure du matin ça fait toujours tard pour dîner un bout de phoque… D’autant plus que la tente commence à geler… A défaut de bien cuire notre viande, le feu nous a au moins permis de nous réchauffer et de sécher nos chaussettes trempées par la condensation. Quant au goût du phoque, je vous raconterai ça demain. En effet, tout s’est terminé par nos habituels repas lyophilisés !
Dimanche 29 juillet : Nous ne sommes pas seuls à Agpat !
Repos au village abandonné de Agpat
Météo : Vent nul / Soleil / très bonne visibilité / Température 9°c.
Je suis réveillé dès 6h30 par le souffle d’une baleine. Je me lève avec l’intention de capturer ce moment dans une boîte à images. Bon, je suis lent pour bouger le matin et évidemment, une fois équipé de mon appareil photo, la baleine n’est plus là. Malgré tout, je profite du soleil qui commence à chauffer (ça reste faible mais c’est bien agréable !). Puis le reste de l’équipe se lève et nous prenons notre fidèle petit-déjeuner : mélange de graines de sarrasin avec de la poudre d’amande, un peu d’huile de colza et des morceaux de pomme déshydratés : un délice…
Alors que nous buvons notre thé, nous entendons des voix parlant en français ! : ce sont deux kayakistes français qui passent devant le village abandonné. Ces deux jeunes originaires de l’Est de la France sont assoiffés d’aventures et de voyages. Ils réalisent le même trajet que nous, en mode « baroudeur ». Ils sont très impressionnés par le matériel que nous transportons, en comparaison du leur, assez minimaliste.
C’est vrai que nous sommes bien équipés, mais il n’y a rien en trop. Surtout pas nos petits sièges ou notre grille de barbecue. Cet inventaire du matériel embarqué me fait prendre conscience que je suis très heureux d’avoir préparé cette aventure avec Brieg, qui a passé beaucoup de temps sur le choix du matériel. Grâce à cet équipement, nous vivons ce voyage avec autant de plaisir que de sécurité.
Une fois les présentations terminées, je pars à la recherche d’une rivière pour faire l’appoint d’eau. C’est sans doute une des seules fois où cela a été aussi long. Même si le sol est trempé, il n’y a pas véritablement de rivière. L’eau s’écoule depuis les hauteurs de l’île directement dans la terre ou sous la roche. J’ai donc pas mal marché pour réussir à remplir mes réserves. C’est aussi l’occasion de découvrir de fabuleux points de vue sur la baie de Disko sous le soleil. A mon retour, Benjamin est déjà aux fourneaux et cuit le phoque en mode « pierrade » cette fois.
Deux familles d’Ilulissat arrivent en bateau à moteur et débarquent dans le village. Elles nous expliquent qu’elles passent le week-end dans un fjord proche d’ici pour pêcher le saumon. Leurs parents ont connu ce camp d’été aujourd’hui abandonné. Aujourd’hui, ils souhaitent présenter les lieux à leurs enfants. Une de leur fille est heureuse d’échanger avec nous en anglais et son papa très fier de nous montrer les photos de ses prises durant sa session de pêche. Nous profitons de leur savoir pour avoir des infos sur la cuisson du phoque que nous réussissons enfin.
Arrive enfin l’heure du déjeuner que nous partageons avec nos deux invités kayakistes. Cette viande de phoque fibreuse a un goût assez prononcé, entre le gibier et le poisson. Pour qu’il soit le plus digeste,il est impératif de bien le cuire. Tout le monde apprécie de manger cette viande tellement symbolique dans ce pays. Je crois que la déguster en plein milieu de cette nature est certainement la meilleure façon de la savourer.
Aujourd’hui dimanche, c’est jour de repos et de festin. Ce soir, nous dînons des moules fraîchement ramassées par Brieg ! Après cette belle journée, je regagne mon duvet en pensant à ceux qui sont restés en France et sans qui nous ne serions pas là aujourd’hui.
Merci Nicolas! Hâte de lire la suite!
Perso, je ne crois pas que j’aurais pu manger du phoque!!!
Merci Magali,
Je passe le message à Nicolas.
Nous partons du principe que quand on voyage dans un pays avec une autre culture, il faut essayer de s’immerger dedans 😉
Mais je vous comprends, c’est vrai que ça fait bizarre !
Encore passionnant ce récit !
Niveau sécu vous aviez pris un tel satellite en plus du garmin inreach?
Etiez vous satisfaits de ce système combinés GPS/communination?
pierre
Bonjour Pierre,
Niveau sécurité nous avions notre système Garmin Inreach qui nous permettait d’être suivi en temps réel sur une carte, d’envoyer des SMS, de recevoir des météos (peu précises) et d’envoyez une détresse si besoin par le système iridium. Nous n’avions pas de tel satellite car les SMS nous suffisaient et l’achat d’un tel satellite et de son abonnement coûte beaucoup plus cher !
Le Garmin Inreach n’est pas le moyen le plus officiel et le plus fiable pour lancer une détresse (batterie à recharger de temps en temps, selon l’utilisation qu’on en fait / Tous les 4 jours pour nous). Donc si plus de batterie, plus de possibilité d’envoie de détresse !
De plus nous partons du principe que lors d’une expédition, tous les équipements vitaux doivent être doublés au cas ou.
Nous avons donc emporté en plus, une balise de détresse (PLB) fonctionnant sur le système officiel de recherche et de sauvetage en mer « Sarsat Cospas ».
Cette balise ne sert que à envoyer une détresse, elle à une vrai étanchéité et sa batterie tient 6 ans ! On est donc sûr que l’appareil fonctionnera en cas de besoin.
Dans notre cas cela nous permettait d’avoir à bord de chaque kayak un moyen de détresse. Nous avions en plus 3 fusées parachutes pour l’équipe.
Nous avons été très satisfait du Garmin Inreach qui fonctionne très bien et dont la batterie à une bonne autonomie. C’est vraiment un appareil d’expédition, sans écran tactile avec des boutons costauds, mais du coup l’écriture de SMS est moins fastidieuse en le couplant avec son application pour smartphone.
Attention : les cartes satellite birdseyes de Garmin ne peuvent pas être installés sur le Garmin Inreach. Pour cela nous avions un 2ème GPS le Etrex touch 35 (attention l’écran est petit)
N’hésitez pas si vous avez d’autres questions
Brieg