Dans cet article je vous donne de nombreuses informations pour bien préparer une expédition en kayak en baie de Disko au Groenland, mais aussi plus généralement en milieu polaire.
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1- Situation
La Baie de Disko est située sur la côte Ouest du Groenland, au niveau de la ville d’Ilulissat. Le parcours que nous avons entrepris se situe au Nord d’Ilulissat et fait le tour de l’île Arve-Princess, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le départ et l’arrivée se sont fait à Ilulissat.
– Ce parcours passe par Oqaatsut, un village aussi appelé Rodebay (environ 30 habitants), situé à 16 km de navigation au Nord d’Ilulissat.
– Le prochain village nommé Qeqertaq (environ 150 habitants) se situe tout au Nord de la baie de Disko.
– A noter qu’un autre village appelé Saqqaq (environ 150 habitants) se situe à 24 km à l’Ouest de Qeqertaq. Nous n’y sommes pas allés, faute de temps.
Entre ces villages il n’y a rien à part deux villages abandonnés où il reste quelques vieilles maisons en bois ouvertes :
– Le premier appelé Ata, se situe sur la côte Est de l’île Arve-Princess. Le lieu est magnifique avec un lac, une rivière, les montagnes et les icebergs.
– Le deuxième appelé Agpat se situe sur une petite île proche de la côte Ouest de l’île Arve-Princess.
2 – Climat, météo et jour polaire
La période favorable pour une expédition en kayak dans la baie de Disko se situe entre les mois de juin et août. L’été est très court. Fin août la mer peut déjà commencer à geler légèrement. L’idéal est d’y être entre fin juin et mi -août. A cette période la température de l’air varie entre 5°C minimum et 11°C maximum. Généralement, l’été est relativement sec, avec un vent faible. Mais ce ne sont que des généralités.
En ce qui nous concerne, nous avons eu énormément de pluie durant la première partie de l’expédition (deuxième quinzaine de juillet) avec des températures comprises entre 3 et 7°C dans la journée et qui descendaient légèrement en dessous de zéro certaines nuits.
En fait, il n’y a pas de nuit, mais le soleil est plus bas sur l’horizon entre 22h et 6h du matin. Les températures ont donc tendance à baisser sensiblement. La dernière semaine a été plus ensoleillée avec une journée de canicule… à 11°C !
Nous avons souvent navigué sur une mer d’huile, de temps en temps avec 10 à 15 nœuds de vent (= 20 à 30 km/h). Et nous avons dû patienter deux fois en raison de la météo, avec des vents montant à 20 nœuds (soit 40 km/h) la première fois et à plus de 30 nœuds (soit 60 km/h) la deuxième fois.
Les vents forts sont généralement de secteur Nord-Est en provenance de la calotte glacière. Ce sont des vents catabatiques qui sont dus à la masse d’air froid lourde, située au-dessus de la calotte glaciaire, et qui a tendance à descendre vers la mer dans certaines conditions. Ce vent peut être soudain, il faut donc s’en méfier. Surtout pendant la traversée d’un fjord. Faites particulièrement attention en traversant le fjord « Pakitsoq » Situé à 14 km au Nord du village de Oqaatsut, et en traversant le grand fjord « Torssukatak » Situé au Nord de l’île Arve-Princess.
Pour obtenir des prévisions météo, nous consultions la météo marine sur notre trackeur Inreach + Garmin. (météo peu précise, mais qui donne la tendance) En complément, ma femme nous envoyait par SMS toujours via le Inreach+ des informations météo quotidiennes, après avoir consulté la carte des vents de la zone. Cela était beaucoup plus précis. Mais malgré tout, nous n’avons pas vu venir le coup de vent de 30 nœuds…
La baie de Disko est bien abritée de la houle. La mer est souvent calme. Les vagues déferlant sur le rivage sont rares. L’embarquement et le débarquement ne pose donc normalement pas de problème. Il ne faut juste pas traîner en raison des vagues pouvant provenir d’un iceberg qui se casse. (Cela dépend des endroits. J’en parle dans la section suivante)
La température de l’eau elle, avoisine les 2 à 3°C. Il est donc vital de naviguer avec une combinaison étanche, appelée aussi combinaison sèche. Certaines personnes ne le font pas (elles sont peu nombreuses) et je considère cela suicidaire. En cas de problème, votre chance de survie dans de l’eau à 3°C sans combinaison est d’environ 45 min grand maximum, ce qui est un peu limite !
A Ilulissat le soleil ne se couche pas entre le 20 mai et le 22 juillet. Il fait donc jour en permanence. Ensuite il se cache légèrement derrière l’horizon mais les nuits restent très claires jusqu’au 5 août environ. Puis des nuits plus sombres, mais courtes, apparaissent. Prévoyez un masque de nuit pour mieux dormir dans votre tente.
Voici le lien des cartes de prévision du vent pour le Groenland :
https://www.dmi.dk/en/groenland/vejret/vind/
Voici le lien des cartes des glaces pour la baie de Disko :
http://ocean.dmi.dk/arctic/disko.uk.php
3 – La glace
Cette zone est magnifique en raison des nombreux glaciers qui se déversent dans la mer, mais cette glace est aussi très dangereuse. Il y a trois raisons à cela :
I – La mer peut être encombrée de petits morceaux de glace qui dérivent au gré des vents et des courants. Ces morceaux en s’accumulant peuvent former des plaques et vous bloquer sur l’eau. Généralement la situation se débloque après quelques heures, au moment où le courant de marée s’inverse par exemple. Mais en attendant vous êtes immobilisé dans le froid et l’hypothermie vous guette.
Cette situation ne nous est pas arrivée, mais nous l’avons envisagée. Nous avions toujours à portée de main : une couverture de survie par personne, 2 thermos d’eau chaude et 3 repas lyophilisés au cas où…
Les zones les plus encombrées de glaces sont aléatoires, car cela dépend des conditions de vent, de courant et de température. Mais globalement les plus grands risques se situent à proximité d’Ilulissat et dans la zone située au Nord-Est de l’île Arve-Princess. En fait, plus vous êtes près d’un front glaciaire, plus la zone risque d’être encombrée de glace.
II – Les icebergs rencontrés (parfois énormes : Plusieurs dizaines de mètres au-dessus de l’eau et plusieurs centaines de mètres de côté) peuvent se casser, éclater et se retourner. Les morceaux de glace projetés, ricochent sur de grandes distances. Il est recommandé de ne pas s’approcher à moins de 2 fois la hauteur d’un iceberg et 4 fois la hauteur d’un fond glaciaire. Et ceci est le strict minimum ! N’hésitez pas à doubler ou tripler ces distances…
III – Ces icebergs qui se cassent ou qui tombent d’un front glaciaire aussi peuvent générer une onde similaire à un tsunami. Il n’est pas rare d’observer des vagues de 2 mètres et parfois plus sur la côte.
Durant 3 semaines nous avons vu pas mal de morceaux d’icebergs se détacher, avec des sons de craquement et de détonation qui surprennent toujours. Nous en avons vu un de taille honorable se retourner, provoquant une toute petite vague sur la berge, ainsi qu’une arche s’effondrer, provoquant également une petite vague sans conséquence.
Nous n’avons donc pas été témoins de grosses vagues, mais c’est un risque surtout près des fronts glaciaires. Il faut donc ne pas traîner quand on débarque dans ces zones, toujours bien remonter les kayaks à terre et camper en hauteur.
4 – Désagréments et dangers
Cette navigation polaire ne présente pas de difficulté majeure tant que tout va bien. Mais la glace, le vent, les températures et l’isolement peuvent avoir de graves conséquences en cas de problème. Cette navigation doit donc être méticuleusement préparée. Il faut être prêt à ne compter que sur soi-même.
La glace
L’élément le plus dangereux est la glace. Comme disait mon coéquipier Benjamin « Les icebergs paraissent tout doux et tout gentils, mais en fait ils sont tout durs et tout méchants ». Je trouve que cela résume très bien le fait que quand la glace casse, elle ne prévient pas et ne donne pas beaucoup de signes précurseurs. Les signes précurseurs peuvent être des craquements, des petits bruits, des petits morceaux qui tombent, éventuellement.
Les moustiques
Quand il fait mauvais : pluie, nuage et vent, les moustiques ne sont pas trop nombreux. Par contre dès que le soleil apparaît et surtout quand le vent se calme, ils arrivent en masse. Par chance, ils ne sont pas trop agressifs. Et heureusement, vu leur nombre !
Il est indispensable de partir avec une moustiquaire de tête. Compte-tenu des températures froides, le reste du corps est toujours protégé par les vêtements. Par précaution nous avions imbibé nos vêtements de produit anti-moustique avant de partir.
L’ours polaire
Il n’est pas nécessaire d’être armé d’un fusil en baie de Disko, car la probabilité de croiser un ours dans cette partie du Groenland est normalement quasi nulle… c’est ce que tout le monde dit… Pourtant les Groenlandais en voient parfois passer, surtout en hiver. Nous avions nos trois fusées de détresse pour les effrayer au cas où…
5 Documentation
Voici toute la documentation que nous avons utilisée pour préparer notre aventure :
– Le guide « Groenland » édité par Grand Nord Grand large est intéressant pour découvrir le pays et sa culture.
– Carte « Qeqertarssup Tunua Diskobugten n°10 » de Sagamaps
C’est la carte la plus détaillée de la zone (échelle au 1 / 250 000 ème) (1 cm = 2,5 km)
Bien que son échelle ne soit pas très détaillée, cette carte de qualité où figurent des lignes altimétriques apporte beaucoup d’informations.
Astuce :
Nous avons numérisé cette carte pour y apporter des informations personnelles. Puis nous avons imprimé la partie qui nous intéressait au format A3. Nous avons plié la feuille A3 en deux, ce qui nous a donné un document recto/verso que nous avons plastifié pour le mettre dans un porte carte sur le pont du kayak.
– Hiking Map North Greenland n° 12 Ilulissat et n°20 Equi
Ces cartes plus détaillées couvrent une grande partie de cet itinéraire, mais il manque la partie Nord de la baie de Disko. Ce qui ne les rend pas très pertinentes (nous ne les avons pas utilisées)
– Les cartes TOPO Greenland de Garmin au prix de 160 € sont peut-être intéressantes, mais nous ne les avons pas testées, faute de budget.
– Cartes satellites numériques de Garmin « BirdsEye Satellite Imagery »
Cette solution est intéressante et bon marché, c’est celle que nous avons choisie. Attention de bien vérifier la compatibilité de vos appareils GPS. Par exemple le Inreach Explorer + de Garmin ne peut pas afficher ces cartes. Nous avions un GPS Etrex touch 35 pour cela.
Je ne vous recommande pas ce GPS pour ce genre d’aventure, car l’écran est un peu petit et surtout il ne peut pas se recharger par USB sur un panneau solaire. (Nous avons dû prendre un chargeur de piles avec nous, un peu galère…)
-Google Earth est également très pratique pour commencer à prévoir et calculer votre itinéraire. Vous pouvez y rajouter des points remarquables, tracer des itinéraires et mesurer les distances.
– Un excellent blog sur la baie de Disko en kayak : https://diskooooooo.blogspot.com/
– Le site Kayakalo vous donne pas mal d’informations sur les lieux de débarquements et de bivouac possibles. Sur cette page vous avez également accès au récit de France Hallaire, ayant parcours à peu près le même itinéraire.
La suite bientôt…
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