Randonnée équestre : le cheval de bât ou les joies de l’autonomie

Randonnée équestre en autonomie

Cet article est un article invité écrit par Aurélie du blog A dada mon Dadou, blog de conseils et de coaching en équitation.

Il y a environ 15 ans de cela, j’ai essayé la randonnée à pied avec mon copain. Le projet sur le papier était plutôt fun : partir pendant 5 jours dans les chemins des collines normandes en complète autonomie (et en amoureux) ! Sauf que le mot autonomie a vite était synonyme “charges à transporter”. Je m’imaginais comme la petite copine sexy avec un petit short moulant, jambes nues et débardeur échancré. Et je me suis retrouvée dans la peau d’une mauvaise mule, trempée de sueur, déséquilibrée par sa charge et les épaules cisaillées par un sac à dos trop lourd et mal équilibré !

Bon, vous allez me dire, vous qui suivez un super blog sur la randonnée Smile, que je devais être vraiment mal équipée ! Et oui, c’était le cas, car je n’y connaissais rien du tout. Ah ! Les joies de la jeunesse, on s’imagine vivre d’amour et d’eau fraîche !

N’empêche que pour moi, la randonnée à pied signifie toujours qu’il va falloir marcher pendant des heures en portant tout notre matériel… Alors qu’il existe tellement plus simple, plus joyeux, plus pratique : La randonnée à cheval avec un cheval bât ! Le principe est simple (si vous êtes cavalier), vous randonnez sur le dos de votre cheval et le cheval de bât transporte vos bagages, à l’aide d’un selle spéciale, que l’on appelle un bât, sur laquelle vous arrimez vos charges. La pratique du cheval de bât est une pratique ancestrale. L’usage du cheval de bât, qui avait pratiquement disparu en France, commence à renaitre avec l’essor de la randonnée équestre. C’est pourquoi je voudrais faire un zoom dans cet article sur le bât et sur les techniques de randonnée équestres.

Les avantages de la randonnée à cheval

Voici les avantages de la randonnée à cheval :

  • Votre cheval a un pas plus rapide que le vôtre, donc vous faites plus de kilomètres que si vous randonniez à pied
  • Vous partagez votre périple en harmonie avec votre cheval, merveilleux compagnon de route
  • Vous vous fatiguez moins?…oui et non. Certes le cheval vous porte mais pour rester 5 ou 6 heures en selle, il faut quand même être un bon cavalier entrainé. Et vous allez parfois soulager votre cheval en marchant à côté de lui. Typiquement, je marche le premier et le dernier kilomètre à chaque étape (soit 4 kilomètres par jour avec la pause du midi) et je mets aussi pied à terre lorsque le chemin présente un dénivelé trop important ou lorsque qu’il est trop caillouteux.
  • Votre cheval de bât porte votre matériel et vous pouvez voyager “confortablement” car le cheval va pourvoir porter beaucoup plus de matériel que votre petit dos !

Comme je suis cavalière et que je pratique la randonnée à cheval de manière intensive (je suis dirigeante et monitrice dans une ferme équestre), je voudrais partager avec vous dans cet article quelques conseils pour avoir un cheval de bât au top. Comment le choisir ? Quelle charge lui faire porter ? Comment l’équiper ? Comment arrimer la charge ?

Comment choisir un cheval de bât ?

Donc, vous êtes assis confortablement sur votre cheval, que vous conduisez les deux rênes dans une main et de votre main libre vous tenez votre cheval de bât…

Il va donc sans dire que la première qualité du cheval de bât sera d’être gentil ! Il devra être gentil avec vous. Rester sagement à l’attache quand vous le préparez … et que vous vous agenouillez à côté de lui pour passer votre corde d’arrimage. Il devra aussi être gentil avec les autres chevaux, et surtout pas dominant sur le cheval que vous montez car vous vous exposeriez à des règlements de conflits pendant votre randonnée…

Votre cheval de bât devra aussi être parfaitement éduqué à la longe. Croyez-moi, c’est essentiel. Les premières années d’activité de mon centre équestre, j’avais un cheval de bât E-POU-VAN-TABLE ! Allez, je le nomme, tant pis pour lui. Il s’appelait Quimero. Je parle au passé car il n’est plus cheval de bât, je l’ai néanmoins gardé car il a des bonnes qualités comme cheval de selle…bref. Il passait ses journées à se laisser tracter par ma longe. En fait, il n’avançait que si le cheval de derrière menaçait de le doubler. Le reste du temps, il attendait que je tire sur la longe et s’affalait de tout son poids dessus. Quand on était au galop, il lui arrivait de stopper net, comme ça, pour le plaisir ! Il était peut-être de mèche avec mon ostéo qui était content de me voir arriver en fin de saison avec l’épaule droite en vrac !

Aujourd’hui, j’ai une super jument de bât, qui suit mon cheval sans problème et qui se cale dessus! Je n’ai jamais une seule tension de longe, elle anticipe tout. Elle s’appelle Belinda et c’est vraiment une super jument. Je pense que dans un an ou deux, je pourrais complètement la lâcher lors de mes randos !

La troisième qualité requise pour être un bon cheval de bât est d’être petit et porteur !

  • Petit (disons entre 1m40 et 1m45) pour vous faciliter la tâche quand vous portez vos sacoches de bât et que vous faites le nœud d’arrimage. Nous le verrons un peu plus loin mais sachez que j’empile au-dessus de mes sacoches de bât des tentes types “deux secondes”. Donc mon équipement prend vite de la hauteur. Je précise quand même que je fais un mètre 1m76…donc si vous êtes beaucoup plus petit, prenez un cheval en conséquence.
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Par contre, attention, votre cheval ne doit pas non plus être trop petit par rapport à votre cheval de selle, sinon il va constamment être obligé de trotter et va se fatiguer plus vite.

  • Il doit aussi être porteur, c’est essentiel ! Porteur veut dire qu’il est bien charpenté, avec un dos plutôt court et de bons aplombs au niveau de ses membres. Il doit aussi avoir de bons sabots, robustes et solides.

Le cheval de bât a aussi comme qualité d’avoir le pied sûr. C’est-à-dire qu’il est bien équilibré et va être capable de se débrouiller sur un chemin pentu malgré sa charge. Cette qualité va de pair avec le fait qu’il soit petit, car plus votre cheval est petit, plus son centre de gravité est bas.

Personnellement, j’utilise une jument Mérens. Le berceau de race du Mérens se situe dans les Pyrénées. C’est donc un cheval de montage, habitué aux chemins escarpés et caillouteux et qui se suffit d’une nourriture pauvre. L’idéal donc !

belinda-cheval-de-bat Belinda de Tréheurdière, ma jument de bât

Quelle charge lui faire porter ?

Le Bât

Déjà, parlons du bât en lui-même. Vous trouverez facilement dans le commerce des bâts type américains en bois. Ils ont l’avantage d’être peu onéreux (comptez 250 € sans les sacoches) et d’être solides. Par contre, ils sont lourds et donc vous permettent de porter moins de matériel. Par exemple, le mien fait 10 kg, avec le tapis. Si vous randonnez souvent et que votre budget est plus conséquent, vous trouverez des bâts plus modernes en résine. Ils sont très solides et très légers, certains font moins de 5 kg. Ce qui vous permet d’emmener plus de matériel. Par contre, leur coût est beaucoup plus élevé. (Comptez entre 500 et 600 euros sans les sacoches)

bat-americain Dessin du bât, extrait du livre « le cheval de bât » de Claude Charvin (livre excellent !)

Les sacoches

Sur ma jument Belinda, je fixe ensuite deux sacoches, de 18 kg chacune. J’empile sur le dessus du bât 3 tentes types deux secondes.

Allez, un peu de calcul : sachant qu’une tente type deux secondes pèse en moyenne 3kg …combien porte mon cheval de bât ? Tic, tac, tic, tac … 55kg ! (le bât + le tapis 10kg, les sacoches 36kg, les tentes 9kg). Cela pèse donc moins lourd qu’un cavalier mais c’est plus fatiguant pour votre cheval car le cavalier amortie les secousses et soulage son cheval, dans les montées par exemple, ou fait debout-assis au trot, alors que les sacoches, elles, pèsent de tout leur poids.

La nourriture

Lorsque j’utilise le cheval de bât, c’est généralement pour assurer la logistique d’un groupe de clients pour une randonnée de 7 jours, constitué de 8 cavaliers. Chaque cavalier fixe ses propres affaires (vêtements + nécessaires de toilette) sur son propre cheval, à l’aide de boudins et de fontes. Mon cheval de bât porte ce qui est essentiellement lié à la logistique. Comme je randonne sur un parcours connu et que je dois me concentrer plus sur l’encadrement de mes clients (Je vends exclusivement de la randonnée pour les adolescents), je dépose ma nourriture dans les frigos de tous nos hôtes avant le départ de la randonnée. Ce qui fait que je ne transporte que la nourriture de la journée. Mon cheval de bât m’offre la possibilité de conditionner ma nourriture dans une glacière, et donc de respecter les normes sanitaires concernant l’encadrement de mineurs.

Si vous partez pour une plus longue durée, et que vous souhaitez être en complète autonomie je vous conseille d’avoir un cheval de bât pour une personne ou au maximum pour deux personnes. C’est ce que je fais, par exemple lorsque je vais en reconnaissance de nouveaux chemins de randos. Dans ce cas, vous êtes amené à transporter la nourriture pour plusieurs jours.

Je vais expliquer rapidement comment je gère ma nourriture mais cela ne pourra peut-être pas vous convenir car j’ai une alimentation un peu particulière. (Je vous la conseille pour être énergique et en bonne santé !) : Je mange bio et équitable, dans une optique de zéro déchet, avec un apport limité en viande et sans sucres raffinés. Grosso modo, je ne mange pas de nourriture préparée, emballée et bourrée de conservateurs !

C’est là que le cheval de bât devient vraiment génial car il me permet de transporter ma glacière, mon camping gaz, mes casseroles … Donc en randonnée, je cuisine ! Adieu le sandwich au pain blanc, beurre, jambon, chips et barres de céréales (beurkk !)

Voici un exemple de repas sur une journée :

Matin : café (oui, j’emmène ma cafetière à l’italienne aussi), fruits de saison ( bananes, orange, poire, pomme …) chocolat (noir à 75 %) et noisettes/amandes.

Midi : entrée de saison, betteraves, ou pamplemousse…, salade avec des dés de fromage morceaux de carottes, pain complet au céréales et riz.

Goûter: pommes avec du chocolat et une boisson chaude, genre thé ou eau chaude avec du citron.

Soir : soupe ( et oui, on a dit qu’on cuisinait !), entrecôte cuite au feu de bois et légumes de saison.

Comment s’y prendre pour manger sainement en rando ? Emmenez des fruits et des légumes facilement transportables. Calez-les dans votre glacière. Et repérez sur votre parcours les petites épiceries. Bon, ça ne sera pas toujours du bio mais vous ferez vivre le commerce local ! C’est toujours un moment sympathique quand j’arrive dans un village avec mes deux chevaux pour aller me ravitailler. Cela crée du dialogue avec les habitants et les enfants viennent caresser les chevaux !

Que mettre dans vos sacoches de bât ?

Voici la liste détaillée de ce que j’emporte dans mes sacoches quand je randonne avec des clients :

A gauche :

(Je répartie toujours de la même façon, car je suis assez bordélique de nature et en randonnée, il est nécessaire d’être bien organisé Smile )

  • Glacière avec pins de glaces + nourriture pour la journée et la nappe pour caler
  • bâche de pique-nique (qui peut servir soit au sol pour isoler, soit de toit si vous êtes en Normandie …)
  • sac poubelle
  • réchaud
  • éventuellement une tente si vous n’avez pas de “deux secondes”
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A droite :

  • le matériel de dépannage de maréchalerie (pour les sabots du cheval)
  • mes cartes
  • le matériel de dépannage de bourrellerie (pour éventuellement faire des réparations sur le harnachement en cuir)
  • rênes, sangles et étrivières de rechange (il s’agit de matériel pour les chevaux de selle)
  • matériel de pansage (brosses …)
  • la popote et le reste de la vaisselle
  • éventuellement une tente si vous n’avez pas de “deux secondes”

Au-dessus des sacoches de bât :

  • Boudin avec peson, gourdes et ligne d’attache
  • Bâche de protection du bât roulée au milieu en cas de mauvais temps

Il est impératif que vos charges soient équilibrées, à 500g près. Un bât mal équilibré sera source de douleur dans le dos pour votre cheval et pourra le blesser. Vous connaissez sûrement l’expression française pour signifier qu’un problème arrive “ C’est là que le bât blesse …” Elle vient de là. Il faut donc utiliser un peson pour équilibrer vos charges. Vous pouvez aussi fabriquer un peson avec une branche d’arbre et une ficelle si vous avez l’esprit aventurier !

J’en profite également pour vous lister ce que je mets sur mon propre cheval. Cette check-list pourra vous être utile pour être sûr de ne rien oublier.

Sur mon cheval de selle

A l’avant (dans ou sur les fontes):

  • un poncho ou une veste
  • un cure-pied accroché à la selle par un mousqueton
  • carte
  • boussole
  • lunettes de soleil
  • crème solaire
  • appareil photo
  • papiers d’identité
  • argent
  • couteau
  • gourde

Dans mes sacoches (à l’arrière de ma selle)

  • Petite lampe
  • pharmacie humaine et équine
  • gilets fluo
  • mouchoirs
  • papier toilette
  • seau pliable (pour abreuver les chevaux)
  • briquet
  • lampe frontale

Dans mon boudin de troussequin (à l’arrière de ma selle)

  • Mon duvet
  • mon linge
  • mes affaires de toilettes
  • ma recharge de téléphone portable

En fonction de la région dans laquelle vous voyagez, vous serez peut-être obligés de transporter de la nourriture pour vos chevaux. C’est très encombrant et très lourd. Pour ma part, je n’ai pas encore rencontré ce problème car j’ai toujours randonné dans des contrées où l’herbe est grasse et florissante !

Comment arrimer votre charge ?

Pour l’arrimage de votre charge, vous avez deux possibilités. Soit de randonner avec une sous-ventrière, soit de faire un nœud avec une corde pour tenir le tout.

  1. Premier cas de figure : Vous randonnez sur une longue distante, vous avez des donc des allures peu élevées. Vous faites principalement du pas. Vos charges sont bien réparties et tout tiens dans vos sacoches. Dans ce cas, vous pouvez juste relier vos deux sacoches par une sangle qui passe sous le ventre de votre cheval : la sous-ventrière. C’est très pratique car l’ensemble du contenu de votre bât reste facilement accessible et vous mettez très peu de temps à bâter et débâter.
  2. Deuxième cas de figure : Vous trottez et galopez pendant votre randonnée ou vous avez une charge spéciale, au-dessus de vos sacoches. C’est mon cas car j’empile des tentes deux secondes sur le dessus. Dans ce cas, je vous conseille d’utiliser “le nœud à un seul homme” (que j’ai rebaptisé le nœud à une seule femme, lol).

Le nœud à un seul homme:

Il porte ce drôle de nom car il a l’avantage de pouvoir être réalisé par une seule personne. Pratique si vous voyagez en solidaire, ou avec des enfants qui ne peuvent pas vous aider. Il existe de nombreux autres nœuds d’arrimage. Dans les pays où ils y a encore des muletiers, de nombreux nœuds différents sont pratiqués en fonction du type de charge.

Cela fait maintenant 12 ans que je randonne avec le nœud à un seul homme et il a fait ses preuves. Voici donc ses avantages :

  • Il est facile à réaliser et seul
  • Il s’adapte à un grand nombre de charges différentes
  • Il tient bien en place

Son plus gros désavantage est qu’il comprime les charges contre le cheval. C’est donc assez inconfortable pour lui car il est très serré. Il va donc être essentiel de débâter dès que vous faites la moindre petite pause. Son deuxième désavantage est qu’il est assez long à mettre en place.

Voici un extrait du petit carnet que je donne à mes randonneurs, qui comprend un schéma du nœud à un seul homme, extrait du livre Techniques de voyage à cheval, d’Emile Brager. (Si vous ne deviez avoir qu’un seul livre dans votre votre bibliothèque, ce serait celui-là!)bât-noeud-un-seul-homme Le nœud à un seul homme, extrait du livre « techniques de voyage à cheval, d’Emile Brager)

Si j’ai un conseil à vous donner pour réaliser le nœud à un seul homme, c’est de serrer, serrer et serrer. Vous devez tendre votre corde jusqu’à en avoir mal aux doigts ! Ce n’est pas très vendeur dit comme ça, mais c’est pourtant vrai. Entraînez-vous à le faire et à le refaire. Quand vous serez capable de bâter de nuit et sous la pluie en un tour de bras, c’est que vous serez prêt pour votre voyage !

Une relation unique

Je vous ai parlé ici des avantages techniques à avoir un cheval de bât, et plus globalement de voyager à cheval. Mais, le cheval n’est pas là que pour vous porter ou porter vos charges (sinon vous allez penser que je suis fainéante !!). Le cheval, c’est surtout pour moi un animal de compagnie extraordinaire.

Si vous voyagez seul, le cheval sera là pour partager vos moments. Vous aurez à vous occuper de lui, veillez à son confort durant le voyage et lui vous rendra cela par toute sa douceur, son écoute et son amour !

Si vous voyager à plusieurs à cheval, le cheval de bât a ceci d’extraordinaire qu’il consolide les liens du groupe. Chacun prépare son cheval, mais le cheval de bât, nous le préparons ensemble. C’est sur lui que chacun porte son attention car il a le travail le plus difficile. On commence par s’occuper de lui dès le matin au réveil. C’est lui qu’on dessellera en premier en arrivant à l’étape. C’est à lui que vous ferez des massages du dos en priorité. Le cheval de bât, c’est le cheval de tout le monde ! C’est du bonheur partagé !

J’espère que tous ces conseils vous seront utiles pour votre futur voyage. Bonne expérimentation et bon voyage !

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Aurélie, du blog A dada mon dadou

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3 Comments

  1. Merci pour cet article . Je vais faire un voyage de 1300 km avec mes deux chevaux dont un est aveugle … Ils sont habitués à se suivre mais cela va être une aventure de 4 ou 5 mois.

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